La situation actuelle du Sénégal interpelle tout citoyen imbu de valeurs républicaines et démocratiques. Depuis, plusieurs années, la démocratie sénégalaise a subi des secousses protéiformes. Des contestations politiques aux mobilisations sociales en passant par les mouvements estudiantins et syndicaux, la stabilité du pays en a subi les conséquences hélas ! les plus désastreuses. L’image de la démocratie s’est tout simplement flétrie.
Devant cette situation à la fois alarmante et préoccupante, la classe intellectuelle est éminemment concernée. Oui, elle se doit d’agir, de questionner, d’objectiver les faits et situations, d’appréhender les enjeux afin de pouvoir proposer des solutions heuristiquement argumentées et concrètement opérationnels. Pour ce faire, deux choses nous semblent essentielles à prendre en compte.
I. Protéger de la Constitution
La Constitution est la charte fondamentale d’un Etat qui confine les identités d’un Peuple et garantit l’existence des personnes dans leur être et leur avoir. La Constitution, selon Jean François Bayart, c’est « l’énergie de l’Etat ». Sa vulnérabilité peut ruiner les espoirs de toute une génération, terrifier et terroriser un peuple. C’est la raison pour laquelle sa protection doit devenir un sacerdoce pour le Président de la République, mais à défaut, le peuple uni doit s’ériger en rempart. C’est dans ce sillon que le peuple homogène cherche à user un répertoire d’action collective varié afin d’obliger le premier gardien de la Constitution à mesurer l’immensité de la mission de défense de celle-ci sans laquelle la société étatique s’embourbe dans l’insécurité juridique et dans une situation effroyable.
Ainsi, le Conseil constitutionnel, garant de la sacralité du « livre » constitutionnel, doit en vertu des pouvoirs qui lui sont attribués de marquer une empreinte indélébile dans l’histoire politique et constitutionnelle du Sénégal. Et cela passe par une prise de décision inédite pour stopper cette transgression volontaire aux allures d’une préméditation organisée.
En conséquence, l’ordre constitutionnel doit être rétabli. Son rétablissement entrainera in fine, la cessation du désordre sociopolitique. Enfin, une nouvelle ère démocratique va s’ouvrir. Elle plongera sans doute ses racines dans un vaste dialogue des valeurs et des cultures, terreau fertile pour rebâtir un Etat dans lequel l’action de ses gouvernants politiques sera désormais rigoureusement encadrée par la Constitution et les lois de la République.
II. Repenser la démocratie par un dialogue dit « sociétal »
De plus en plus, le concept de dialogue inclusif s’invite dans les débats publics au Sénégal. Cette notion semble, aujourd’hui, vider le dialogue politique et électoral de sa substance originelle pour ne devenir qu’une simple conversion des désirs politiques et électoraux des acteurs politiques gladiateurs au détriment du grand peuple sénégalais. C’est ainsi que les résultats de stabilité escomptés n’ont jamais été efficacement atteints. Les résultats des dialogues de 2014, 2016, 2019 et 2023 exemplifient amplement le propos. Si ce n’est pas des échecs répétitifs eu égard à l’objectif séminal, ils n’en restent pas moins inutiles. C’est fort de ces constats têtus, que nous plaidons pour un dialogue dit « sociétal », un dialogue inclusif au sens extensif du terme. Par ce dernier, on entend une concertation qui regroupera l’ensemble des forces vives (du Sénégal des profondeurs à la capitale) parmi lesquelles on peut citer les organisations sociales, culturelles, politiques, religieuses, culturelles, coutumières, traditionnelles qui constituent à la fois les réceptacles de la culture et les composantes de la société.
Autrement dit, la réconciliation du Sénégal avec les Sénégalais (es), (comme l’a rappelé le Président de la République dans son discours du 4 février 2024), entre les Sénégalais et enfin, les Sénégalais avec la classe politique et institutions publiques devient plus que jamais, une nécessité.
Ce dialogue ne doit plus être orienté vers le satisfécit des intérêts parfois exclusifs des politiques et leurs acolytes. A notre humble avis, le dialogue inclusif et sociétal pour lequel nous nous battons requiert des préalables et se proposera de permettre d’aboutir à des réformes qui transcenderont les désirs politiques égoïstes, et élèveront l’intérêt national comme référent et la base de toute action entreprise par un citoyen.
- Les préalables
Deux impératifs nous paraissent fondamentaux en prélude du dialogue inclusif :
1/ Rétablir de l’ordre constitutionnel en vue da restituer la dignité institutionnelle de la juridiction constitutionnelle foncièrement écorchée ou écornée ;
2/ Reporter de l’élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel afin de garder le peu de cohérence juridique restant, malgré les agissements attentatoires ourdis par une composante de l’Assemblée nationale.
La simultanéité de ces impératifs peut permettre d’apaiser les tensions politiques et sociales, de dompter l’ardeur du peuple et de rassurer les acteurs et observateurs nationaux et internationaux de la scène politique.
- Les perspectives de réformes
En se donnant les moyens de réaliser ces impératifs, le dialogue inclusif (regroupant le Sénégal composite) pourrait devenir une réalité inéluctable. Il permettrait probablement d’arriver à quelques réformes notamment de :
1/ Fabriquer une nouvelle Constitution tirée d’une culture constitutionnelle propre centrée sur des valeurs cardinales de la société.
2/ Ériger des principes constitutionnels qui constitueront le référentiel, voire le gouvernail en cas d’égarement ou de conflit
3/ Refonder l’Etat sur la base des consensus larges et immuables en vue de développer le sentiment d’autocontrainte vis-à-vis des lois de la République.
Par Serigne Ahmadou GAYE
Enseignant-chercheur
à l’Université Alioune Diop de Bambey
Bonjour Directeur et cher collègue
Belle contribution.
Nous avons besoin de telle initiative pour la vitalité de notre démocratie.
Toutes mes félicitations et bonne continuation
Analyse pertinente.
Merci pour les enseignements professeur!
Une belle contribution surtout là où vous avez mentionné report de l’élection présidentielle par le conseil constitutionnel
L’analyse est très pertinente. Non seulement, vous nous avez fait un diagnostic très profond, mais vous avez dégagé des pistes de sortie de crises et de solutions pour l’avenir.
Merci pour cette belle contribution à la démocratie sénégalaise
Une tres bonne analyse qui nous eveille sur cette situation
Une excellente analyse d’un professeur émérite.
Dr Cheikh Ahmadou GAYE, une sommité de la science politique. Au delà des fondements de cette crise qui prévaut dans notre pays, force est de reconnaître la prédominance des hommes sur nos institutions. La question, elle est plus sociale que juridique parce que met en jeu, l’unilatéralisme et l’autoritarisme des personnes appelées à incarner nos institutions et faire appliquer nos lois.
Cette contribution de notre cher Professeur, auteur du livre « comportement électoral au Sénégal. Entre hybridités et rationalités » réaffirme la thèse. Si elle est bien considérée, elle pourrait être une porte de sortie pour la crise.
Excellente analyse de situation politique et institutionnelle que traverse le pays
Bonjour mon ami et frère, après avoir lu votre article j’ai tiré beaucoup d’enseignement sur votre argumentation. Vous avez montré deux aspects essentiels : la vulnérabilité du conseil constitutionnel piétiner par les pouvoirs exécutifs et les axes essentiels pour redynamiser ce conseil constitutionnel en indiquant les perspectives des solutions inévitablement recherchées