Introduction
On constate que le juge sénégalais de l’excès de pouvoir est de plus en plus saisi sur les questions d’urbanisme liées notamment à l’occupation du sol et de l’espace[1]et sur celles ayant trait aux règles de construction malgré l’abondance de décisions foncières et domaniales[2].
La Chambre administrative de la Cour suprême est ainsi conduite à connaître, d’une part, de la légalité des actes individuels et généraux d’urbanisme et de construction, à l’occasion des recours pour excès de pouvoir dirigés contre ces actes ou des procédures d’urgence tendant à la suspension de leur exécution et, d’autre part, en matière de pourvoi en cassation contre les actions en responsabilité des personnes publiques du fait des dommages causés par les décisions qu’elles ont prises en matière d’urbanisme et de construction.
La jurisprudence relative à l’interprétation de ces règles a donné non seulement l’occasion au juge de statuer sur des questions classiques de légalité des actes administratifs traditionnels d’urbanisme mais aussi celles qu’il n’avait pas l’habitude de connaitre tels que les documents de planification urbaine ainsi que la question du risque d’inondation et des règles de copropriété. Il est ainsi contraint de résoudre de nombreux enjeux particulièrement éclectiques.
Sans avoir vocation à une complète exhaustivité, les développements qui suivent visent à présenter l’état de la jurisprudence en la matière dans une temporalité́ bien définie[3].
Outre l’examen incontournable des répartitions de compétence entre autorités centrales, décentralisées et services techniques (I), ce panorama analysera densément le contrôle des règles de retrait des autorisations administratives d’urbanisme (II) et le rappel des exigences des Codes de l’Urbanisme et de la Construction avant toute démolition de bâtiments menaçant ruine et du respect du règlement de copropriété(III) ainsi que l’exigence de motifs précis portant refus d’une autorisation de construire (IV).
Sont, par ailleurs, analysés l’amorce du contrôle des documents de planification urbaine et du risque d’inondation (V),le contrat de gestion d’un jardin public, qualifié de contrat administratif (VI)et la tendance à l’exigence de la réunion des conditions posées par le législateur en matière de procédures d’urgence (VII).
Par Dr Papa Makha DIAO
Chargé de cours en droit de l’urbanisme à l’UCAD et à l’UAHB
papmakha@yahoo.fr
[1] Le contentieux de l’urbanisme et de la construction au Sénégal n’a pas encore fait l’objet de systématisations. Sur les rares études, Voir P.M. DIAO, « Le contrôle juridictionnel des autorisations administratives d’urbanisme, de construction et relatives au foncier au Sénégal », Afrilex, Université Bordeaux IV, février 2019, disponible sur ce lien Le_controle_juridictionnel_des_autorisations_administratives_d_urbanisme_DIAO_ papa.pdf(u-bordeaux.fr), consulté le 28.10.2023 ; F. DIOUF, « Le contentieux de l’urbanisme et de la construction au Sénégal », Annales Africaines, nouvelle série, volume 2, décembre 2019, numéro 11, pp.1-42. Dans une étude ancienne, le Professeur Mody GADIAGA avait fait une étude sur l’autorisation de construire (GADIAGA M., « l’autorisation de construire en droit sénégalais », RIPAS n°10, avril-juin 1984, pp. 518-585.).
[2] Nous avons également effectué un dépouillement sur les décisions foncières et domaniales sur la séquence temporelle (2018-2023), le contentieux foncier et domanial se classe parmi les premiers domaines enregistrés par la chambre administrative (presque 15 % des affaires). D’ailleurs, une chronique de jurisprudence foncière, domaniale, environnementale et minière sera notre prochaine contribution.
[3] Pour cette brève étude, la séquence temporelle se situe entre 2018 et 2023.
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