INTRODUCTION :
Le parrainage est défini en matière électorale comme le soutien officiel apporté par des électeurs et/ou des élus à un candidat pour lui permettre de se présenter à une élection. Perçu comme un baromètre de la représentativité, il a été institué par le constituant sénégalais[1] à travers la loi constitutionnelle n° 63-22 du 7 mars 1963 qui proposait un parrainage mixte composé d’électeurs et d’élus députés en disposant, en son article 24, alinéa 2, qu’: « aucune candidature n’est recevable si elle n’est accompagnée de la signature de cinquante électeurs dont dix députés au moins ».
Une révision constitutionnelle issue de la loi constitutionnelle n° 67-32 du 20 juin 1967, a modifié cette disposition en limitant le parrainage aux candidats présentés par les partis politiques légalement constitués. L’article 24, alinéa 2, de la Constitution disposait ainsi qu’: « Aucune candidature n’est recevable si elle n’est présentée par un parti politique légalement constitué ou si elle n’est accompagnée de la signature de cinquante électeurs dont dix députés au moins ».
Le parrainage a connu une autre évolution marquée par l’augmentation du nombre de parrains requis qui passait de 50 à 10.000, avec l’obligation d’une répartition géographique dans 6 régions à raison de 500 au moins par région. Par la même occasion, le parrainage par les élus a été abandonné pour faire place à un parrainage exclusivement citoyen. En effet, l’article 24 de la loi constitutionnelle n° 91-46 du 6 octobre 1991 disposait : « Toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique légalement constitué ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région ».
L’adoption d’une nouvelle constitution suivant loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 a encore été l’occasion de modifier certaines dispositions sur le parrainage, notamment à travers l’article 29 alinéa 4 de la Constitution qui précisait que : « Toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitués ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région ». Ce texte qui a remplacé l’ancien article 24 de la Constitution de 1963, conservait le même nombre de parrains et de régions que la loi de 1991, mais exemptait les coalitions de partis politiques légalement constitués de l’exigence d’être parrainées par des électeurs, au même titre que les partis légalement constitués.
Dans le sillage des modifications, la loi n° 2018-14 du 11 mai 2018 portant révision de la Constitution, a donné une nouvelle rédaction à l’article 29 de la Constitution en disposant : « Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée de la signature d’électeurs représentant, au minimum, 0,8 % et, au maximum, 1 % du fichier électoral général. Ces électeurs doivent être domiciliés dans au moins sept régions à raison de deux mille au moins par région. Un électeur ne peut parrainer qu’un candidat. Les modalités du contrôle des listes de parrainage sont fixées par la loi ».
Ce texte apporte une innovation sur quatre points :
- D’abord, il exprime en pourcentage le nombre de parrains. La principale conséquence qui en résulte est que ce nombre évoluera désormais en fonction du nombre d’inscrits sur le fichier général des électeurs.
- Ensuite, il fait passer la répartition géographique de 6 à 7 régions à raison de deux mille (2000) au moins par région au lieu de 500.
- Puis, il a inscrit dans le Code électoral le principe de l’unicité du parrainage, un électeur ne pouvant parrainer qu’un seul candidat.
- Enfin, il a mis fin au « privilège » réservé aux partis politiques et aux coalitions de partis politiques dans la mesure où « toute candidature » présentée est désormais assujettie au parrainage.
En 2023, l’article 29 a été abrogé et remplacé par l’article unique de la loi constitutionnelle n°2023-13 du 2 aout 2023 portant révision de la Constitution qui dispose : « Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée :
-Soit de la signature d’électeurs représentant, au minimum, 0,6 % et, au maximum, 0,8 % du fichier électoral général et étant domiciliés dans au moins sept (7) régions à raison de deux mille (2000) au moins par région ;
-Soit de la signature d’élus représentants 8% des membres de l’Assemblée nationale ou 20% des chefs d’exécutif territorial ».
Par ce texte, le constituant a revu à la baisse le nombre de parrains requis et réintroduit un parrainage par les élus (députés, présidents de conseil départemental et maires)[2].
L’évolution constante des dispositions sur le parrainage et l’augmentation significative du nombre de parrains citoyens dont le minimum est fixé aujourd’hui à 44.231[3] ont rendu complexe le contrôle et la vérification des listes de parrainage accompagnant les dossiers de candidature.
En réponse à cette préoccupation, la mise en place d’un système de contrôle automatisé des parrainages est apparue comme une nécessité. Ce faisant, des préalables ont été définis pour traduire les exigences du texte en langage informatique (I)[4]. Toutefois, la mise en œuvre de ce contrôle nécessite une mise en cohérence constante entre le Code électoral et les algorithmes (II).
Cliquez ici pour télécharger l’intégralité de la contribution…
Par Elisabeth Ndew DIOUF
Magistrat, Membre du service d’études et de documentation du Conseil constitutionnel
[1] Grosieux, Patrick. « Droit constitutionnel électoral. Le « parrainage » des prétendants à l’élection présidentielle : simple formalité juridique ? », Revue française de droit constitutionnel, vol. 59, no. 3, 2004, pp. 567-594.
[2] Voir également article L.120 Code électoral.
[3] Arrêté n°032005 du 25 septembre 2023 fixant le nombre d’électeurs et d’élus requis pour le parrainage d’un candidat ainsi que les formats contenus des fiches de collecte des parrainages en vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024.
[4] Article 29 Article unique de la loi constitutionnelle n°2023-13 du 2 aout 2023 portant révision de la Constitution. Voir également Loi n° 2023-16 du 18 août 2023, modifiant la loi 2021-35 du 23 juillet 2021 portant code électoral, JORS n°7652 du 18 août 2023, p. 10-13.
0 commentaires