Les rapports l’AES et la CEDEAO : analyse sur l’application d’un nouveau droit international. Par MOUTARI LAWALI Maman Lawali

Résumé :

L’Alliance des Etats du Sahel a été formée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger en septembre 2023 en réponse aux tensions existant entre d’une part les régimes militaires de ces trois Etats et d’autre part le reste de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). C’est une Alliance mise en place pour la sécurité et le développement de la sous-région.

L’insécurité qui sévit dans ces trois pays est identique. Elle est causée principalement par le terrorisme et le crime transnational organisé. La question de la lutte contre ces phénomènes se trouve prise en charge : dans le cadre de la CEDEAO, dans le cadre de l’éphémère G5 Sahel et désormais dans celui de l’AES. Ainsi, la problématique que pose cet article est plutôt liée aux choix juridiques faits par les deux organisations ainsi que les conséquences qui en découlent.

Mots clés : AES, CEDEAO, Nouveau droit applicable, Partenariat, Sécurité au Sahel.

Abstract:

The Alliance of Sahel States was formed by Burkina Faso, Mali, and Niger in September 2023 in response to tensions between the military regimes of these three states and the rest of the Economic Community of West African States (ECOWAS). It is an alliance established for the security and development of the subregion.

The insecurity plaguing these three countries is identical. It is caused primarily by terrorism and transnational organized crime. The fight against these phenomena is addressed within the framework of ECOWAS, the short-lived G5 Sahel, and now the ESA. Thus, the issue raised in this article is more closely linked to the legal choices made by the two organizations and the resulting consequences.

Key words: AES, ECOWAS, New applicable law, Partnership, Security in the Sahel.

Plan

I. Des choix de coopération et de méthodes distincts dans les traités fondateurs entre la CEDEAO et l’AES

A. Une coopération sécuritaire ouest-africaine bouleversée : le bras de fer entre la CEDEAO et l’AES

 B. Une concentration sur la sécurité par les autorités de l’AES

II. Des conséquences de la reconfiguration ouest-africaine sur les pays de l’AES en matière de coopération

A. Un isolement ou un isolationnisme des régimes militaires de l’AES

 B. Un appel à de nouveaux partenariats de l’AES

Introduction

« Conscients de la responsabilité de protéger les populations civiles en toutes circonstances »[1], les Gouvernements des trois pays formant alors l’Alliance des Etats du Sahel (AES) rappellent leur priorité d’assurer la sécurité comme un devoir sacré et existentiel.

Pour une compréhension fluide du présent travail, il convient de donner des éléments de définitions et/ou explications sur les termes et expressions suivants : la nouveauté du droit à appliquer c’est-à-dire la reconfiguration de la coopération, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’AES comme nouvelle organisation sous-régionale.

Le nouveau droit international[2] applicable – loin de renvoyer à « une nouvelle norme du droit international »[3] qui viendrait changer une autre – est l’ensemble de nouvelles règles[4] régissant les relations entre les protagonistes que sont les trois Etats de l’AES et les douze autres restants de la CEDEAO. C’est aussi l’ensemble des principes et normes applicables entre des Etats souverains, égaux, paisibles[5], etc. Par conséquent, il fait allusion à la reconfiguration juridique qu’il y a eu dans l’espace de l’Afrique de l’Ouest. C’est à la suite de la sortie des trois Etats de la CEDEAO que ce bouleversement devient plus criard[6] ;

La CEDEAO, c’est la Communauté économique formée depuis 1975 entre les pays ouest-africains en vue d’arriver principalement à une intégration économique, mais qui, grâce à des instruments de son droit dérivé, s’est donné également le rôle du contrôle de la bonne gouvernance démocratique et la mission de garantir la sécurité en bannissant notamment la prise de pouvoir par la force ; et

L’AES, quant à elle, est l’Alliance instituée par les pays de la zone appelée celle « des trois frontières » (une zone subissant le plus grand nombre d’attaques terroristes au Sahel[7]) qui sont le Burkina, le Mali et le Niger. Elle remplace de facto l’Organisation du G5 Sahel qui avait les mêmes objectifs de développement et de sécurité.

L’ampleur de la crise sécuritaire de type terroriste et criminel que le Sahel connait actuellement remonte au début de la décennie 2010. Il importe, dans ce cas, de rappeler la crise libyenne et la chute du colonel Kadhafi. Cela a constitué le début de l’embrasement de la situation sécuritaire sahélienne. En effet, les combattants Touareg d’origine malienne de retour avec d’importantes armes au Mali[8], avec déjà une souche de groupes terroristes issus de la crise algérienne des années 90, le pays a connu une instabilité touchant finalement le voisinage tel que le Niger et le Burkina. C’est cela qui crée les conditions d’une zone d’insécurité pour « les trois frontières » ou pour les Etats du « Liptako-Gourma ».

Le Mali, le Burkina et le Niger sont sous des régimes militaires de transition dans l’optique de « sécuriser et stabiliser » le Sahel – à la fois au niveau national de chaque pays et de façon commune dans le cadre organisationnel de l’AES – pour enfin transférer le pouvoir à des civils[9] qui seront, au bout d’un processus démocratique, élus par le peuple.

Les raisons sécuritaires, principalement, ont été, pour les trois régimes, évoquées comme motif de l’installation de ceux-ci au pouvoir. Cette arrivée au pouvoir par la force ayant été jugée comme moyen de « gérer efficacement la crise sécuritaire » par les nouvelles autorités, a mené l’élite militaire dirigeante des trois pays à mettre en place une Alliance pour la sécurité et le développement au Sahel.

Ainsi, en septembre 2023, l’AES a été créée pour mutualiser les efforts dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et dans le combat pour le développement des populations des trois Etats.

Les différents coups d’Etat militaires qui se sont succédés à partir de 2020[10], à la fois au Burkina, au Mali et au Niger, ont constitué une raison non négligeable de la tentative de la Communauté dont sont membres ces trois Etats de mettre fin à cette pratique déjà condamnable juridiquement et aussi estimée[11] comme entamant la stabilité ouest-africaine.

Il s’en est suivi des sanctions contre les Etats dans lesquels le renversement a lieu. Le dernier en date, étant celui du Niger le 26 juillet 2023, a été décisif pour la création de l’AES. Les sanctions prises par la CEDEAO ont été jugées trop dures car touchant tous les domaines de la coopération où les citoyens sont les premiers concernés. Cela a poussé au rapprochement entre les autorités nigériennes, maliennes et burkinabè. L’aboutissement de ce rapprochement a été la décision de la création de l’Alliance en vue de lutter contre les « menaces multiformes »[12] communes aux trois parties contractantes.

L’étude du panorama ouest-africain actuel montre une situation complexe à la fois dans les aspects politique, militaire et social. Par conséquent, il existe d’abord la possibilité d’un chevauchement entre la CEDEAO et l’AES[13] avec un bras de fer implicite et explicite sur la question sécuritaire au Sahel, ensuite la possibilité d’une spécialisation de la deuxième en complément et en renfort de la première[14], ce qui suppose une complicité dans la lutte commune aux deux Organisations. La prise en charge de cette question par cet article permettra de lever le doute entre ces possibilités. Ainsi, cette étude présente un intérêt théorique en ce qui concerne la reconfiguration estimée de la coopération sous-régionale, ainsi qu’un intérêt pratique et juridique en ce qui concerne les pratiques émergentes dans ce contexte en matière de droits humains et de bonne gouvernance. Ces éléments sont essentiels pour la mise en place d’un système démocratique en devenir, grâce aux garanties juridiques et juridictionnelles établies dans cet espace pour assurer l’effectivité de ces grands principes de l’État de droit.

L’insécurité qui sévit dans ces trois pays est identique car elle est causée principalement par le terrorisme et le crime transnational organisé. La question de la lutte contre ces phénomènes se trouve prise en charge dans le cadre de la CEDEAO, dans le cadre de l’éphémère G5 Sahel et désormais dans celui de l’AES. Certes, cette reconfiguration de la coopération sécuritaire doit être interrogée quant à l’efficience envisagée dans cette nouvelle Alliance tripartite. Mais, la problématique que se pose cet article est celle de savoir : quelles sont les implications des rapports AES-CEDEAO sur la question sécuritaire dans la sous-région ouest-africaine au prisme de la nouvelle reconfiguration ?

Pour structurer les éléments constituant ce papier, il sera analysé le discours de l’élite ouest-africaine en matière sécuritaire. Ce sont notamment des documents issus de la presse, elle aussi globalement étudiée, ici. Des textes juridiques constituent également une base d’analyse pour un travail référencé. Ces textes concernent à la fois la Communauté dans le cadre de son action mais aussi et surtout, les autorités militaires en place, en ce sens que c’est ce qui sous-tend les actions qu’elles mènent après leur installation au pouvoir. Cela sera complété par une analyse de ce qui est entrepris réellement par rapport notamment à ce qui est annoncé dans les discours et les textes.

Pour apporter les éléments descriptifs et analytiques de réponse à la problématique dégagée ci-dessus, cette analyse se focalisera sur la divergence dans les objectifs des deux Organisations objet de la présente étude (I) ainsi que sur les conséquences entraînées par la reconfiguration dans la coopération ouest-africaine pour les pays de l’AES (II).

  1. Des choix de coopération et de méthodes distincts dans les traités fondateurs entre la CEDEAO et l’AES

Il n’est plus nécessaire de revenir sur le choix juridiquement prioritaire de la CEDEAO tant cela se lit déjà dans l’intitulé de cette Communauté économique créée depuis 1975. Il sera seulement évoqué la coopération sécuritaire dans l’une comme dans l’autre Organisation sous-régionale – la première (CEDEAO) grâce l’évolution de son droit, la deuxième (AES) grâce à son texte fondateur.

Il ressort de l’analyse des discours, des décisions normatives et des actions militaires entreprises par les trois gouvernements (entendus ici comme classe dirigeante sous l’autorité du Président de la transition qui garde donc son caractère militaire), une prédominance ou prééminence du secteur de la sécurité étatique et des citoyens.

A l’instar des gouvernements démocratiquement installés, ceux de transition militaire agissent de façon organisée en poursuivant des objectifs en fonction des grands besoins de l’Etat, d’où la création des ministères et leurs missions. En l’occurrence, les ministères qui ont la charge la sécurité (Défense, Intérieur, sans oublier les Affaires Etrangères et les Finances) ont plus de poids dans les régimes dont la raison existentielle est cette sécurité.

C’est dans cette optique que, dans cette première partie, il est le lieu de rappeler le changement fondamental de la coopération en Afrique de l’Ouest avec la création de l’AES (A) et de constater la sacralisation de la lutte tripartite pour la sécurité (B) comme préalable à « toute souveraineté » et à tout développement.

  1. Une coopération sécuritaire ouest-africaine bouleversée : le bras de fer entre la CEDEAO et l’AES

Il est de prime abord nécessaire d’évoquer les actions coordonnées dans la diplomatie, mais de préciser que le tout est aussi lié à la sécurité, autrement dit, à la défense comme un des trois axes de l’Organisation tripartite.

Alors qu’avant, c’est dans le cadre de la Communauté économique que la coopération multilatérale[15] ouest-africaine a lieu depuis 1975, celle-ci est désormais partagée : d’une part elle continue entre les 12 Etats restants de la CEDEAO qui ont, des mois durant, appelé le Burkina, le Mali et le Niger à y revenir[16], d’autre part elle commence entre ces trois ayant communiqué leur retrait depuis janvier 2024[17]. Par conséquent, la création de l’AES note un important bouleversement de la situation.

Pour rappel, le sens d’une communauté, à l’instar du premier exemple à travers le monde qui est la Communauté européenne instituée depuis les années 1950[18], est cet espace d’affinités permettant d’arriver à profondément intégrer les membres dans une vie en l’occurrence économique et enfin politique jusqu’à la création d’une citoyenneté communautaire.

S’agissant du bras de fer entre les deux organisations objet de la présente sous-partie, il importe de voir les deux positions antagonistes. D’une part, dans quelle mesure la Communauté économique serait fondée juridiquement à intervenir dans le domaine sécuritaire. Et, d’autre part, le refus de l’Alliance d’accepter ce rôle sécuritaire à l’Organisation de 1975[19]. C’est également là la source du bouleversement dans la coopération sécuritaire ouest-africaine entre ces deux Organisations.

D’abord, parmi les objectifs que les Etats ont donnés à l’Union africaine, on peut déjà trouver un lien avec l’ouverture de la CEDEAO à la chose sécuritaire. En effet, dans son acte constitutif, à l’article 3, au paragraphe f, l’Union Africaine a pour objectif de « promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent »[20]. Il y est ajouté au paragraphe (l) ce qui fait le lien avec la CEDEAO qui est une Communauté Economique Régionale (CER) : « coordonner et harmoniser les politiques entre les Communautés économiques régionales existantes et futures en vue de la réalisation graduelle des objectifs de l’Union »[21]. Autrement dit, l’Union peut s’appuyer sur la CEDEAO pour garantir la sécurité !

Puis, un instrument important de la CEDEAO est adopté le 21 décembre 2001 à Dakar, c’est le Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. C’est un texte qui, en son article premier dispose : « tout changement anti-constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir ». C’est également dans cet instrument majeur que le préambule et l’article 24 traitent du terrorisme (source de violence et facteur d’insécurité) comme phénomène à combattre en mutualisant les efforts des Etats Membres.

Ensuite, comme précédent dans les actions militaires de maintien ou rétablissement de la paix et de la sécurité, la CEDEAO est déjà concrètement intervenue dans des situations où le rétablissement de la paix et de la sécurité a été nécessaire (ECOMOG au Libéria et en Sierra Leone, Guinée-Bissau, le cas de la Gambie, etc.)[22].

Enfin, le bannissement des coups de force à la fois sur le plan interne et régional. Ainsi, à l’instar des autres Constitutions, la nigérienne du 25 novembre 2010 prévoyait en son article 39 ce qui suit : « Tout citoyen nigérien, civil ou militaire, a le devoir sacré de respecter, en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre juridique de la République, sous peine des sanctions prévues par la loi »[23]. La Constitution malienne de 1992 disposait pareillement en son article 24[24]. L’article 167 de la Constitution burkinabè de 1991 était encore plus précis : « (…) Tout pouvoir qui ne tire pas sa source de cette Constitution, notamment celui issu d’un coup d’Etat ou d’un putsch est illégal. (…) » Les passages constitutionnels (des trois Etats de l’AES avant les coups d’Etats) évoqués ici tendent à montrer le bannissement des coups de force au niveau interne. Cela a pu contribuer au bras de fer engagé entre la CEDEAO et la nouvelle Alliance.

S’agissant, a contrario, de l’Alliance, celle-ci dénonce le dépassement de ses propres textes juridiques par la CEDEAO pour prendre en charge la mauvaise gouvernance ainsi que les coups qui en résultent. Par conséquent, si celle-ci a pour vocation de lutter contre la mauvaise gouvernance, sur laquelle mission elle aurait échoué, il serait la conséquence logique la survenance des coups d’Etat. De là résulterait la logique de changer l’échiquier de la coopération en matière sécuritaire dans toute l’Afrique de l’Ouest.

La nouvelle Alliance de septembre 2023, même en supposant le rôle sécuritaire de la CEDEAO, estime celle-ci comme latente[25] et instrumentalisée de l’Extérieur. C’est ce qui ressort des différents discours de l’élite des trois Etats du Liptako-Gourma. C’est en ce sens que la Charte du 16 septembre 2023 et le Traité du 6 juillet 2024 rappellent la mutualisation de l’effort sécuritaire et de défense, de l’action diplomatique commune et du développement non seulement en dehors de la CEDEAO mais aussi avec d’autres partenaires Etrangers que ceux d’avant.

En définitive, l’intensification de la coopération des Etats ouest-africains avec de nouveaux partenaires (Russie, Iran et d’autres) est entraînée aussi par la création de l’AES[26].

En poursuivant ces objectifs d’intégration, la CEDEAO, dans ses textes offre à ses 15 Etats membres des avantages communautaires dans le cadre de la circulation des biens et marchandises et des personnes ainsi qu’une protection dans le cadre de la concurrence étrangère. Le type de partenariat de la Communauté est également contrôlé par l’ensemble des Membres à travers les organes communautaires. Un changement d’optique dans la coopération est que l’Alliance dans ses objectifs a des vocations communautaires sous la forme cependant de confédération[27], donc plus avancées, plus poussées. L’Alliance formerait alors un bloc face à la CEDEAO avec des éventualités sur un changement profond en matière financière et monétaire.

Il convient, enfin, de rappeler que les autorités de transitions appellent, de leur côté, à ce que pour garantir leur souveraineté, les autres Etats de la CEDEAO auraient beaucoup à gagner en rejoignant la nouvelle Organisation.

Avec ce changement, cette reconfiguration, même si l’ouverture sur d’autres champs reste plausible et logique pour tout Etat cherchant à satisfaire nécessairement ses grands besoins en tant qu’institution complète, l’aspect sécuritaire est prioritaire.

B. Une concentration sur la sécurité par les autorités de l’AES

Ce titre renverrait-il à un délaissement de la sécurité par les anciens régimes déchus et les autres Etats de la CEDEAO ? Non ! Il rappelle cependant que les nouveaux gouvernements reprochent l’inefficacité de la lutte précédemment engagée contre les terroristes et les criminels.

Là où le terrorisme prospère, c’est que « la gouvernance jihadiste repose sur deux piliers indissociables : la terreur et l’absence dramatique des services publics. La délivrance aux populations d’un service public de sécurité effectif et durable est alors la priorité absolue pour s’attaquer simultanément à ces deux piliers. »[28] La solution parait, par conséquent, forcément la priorité à l’aspect sécuritaire.

Les motivations principales évoquées ayant poussé aux coups de force au Sahel sont principalement sécuritaires mais aussi, comme cause profonde, l’échec de la bonne gouvernance. Par conséquent, il y a automatiquement une concentration sur la sécurité de la part de ces autorités de l’AES laquelle Organisation est la plus importante réalisation des trois dans le cadre sécuritaire.

Le choix prioritaire sur la sécurité est d’abord normatif pour l’AES en ce sens qu’il figure dans les textes juridiques fondateurs de l’Alliance. A titre d’exemple, c’est à la lecture de l’article 4 du Traité de la Confédération qu’il est cité les trois domaines de compétences (que les Etats ont accepté de transférer à la Confédération) énumérés dans l’ordre suivant : « la défense et la sécurité ; la diplomatie ; le développement. » Cela est sans oublier la Charte du Liptako-Gourma du 16 septembre 2023 créant l’AES dans ses articles 4 à 6 quand il est décliné l’objectif de « lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée dans l’espace commun de l’Alliance » ainsi que d’autres formes de menace.

Le choix prioritaire sur la sécurité est ensuite réel ou pratique pour l’AES en ce sens que les décisions des nouvelles autorités convergent vers le secteur en question.

Les grandes décisions étatiques sont d’abord prises par l’élite militaire (conseil de transition, membres du gouvernement en tenue), ensuite ces décisions ont plus de portée, de poids, de suivi quand elles sont relatives à la sécurité étatique et des citoyens.

Comme indice pratique de cette priorisation de sécurité, des trois pays de l’AES et en prenant quelques exemples, on peut citer ces décisions et actions ci-après :

  • Le Décret n°2023-0966-PRES-TRANS/PM du 09 août 2023 portant modalités de passation de marchés publics dans le cadre de la mise en œuvre des projets spécifiques au Burkina Faso rappelant le caractère prioritaire et urgent de la sécurité ;
  • La Charte modifiée de la transition dans son article 22 prolongeant la période de transition au Burkina Faso à 60 mois pour prendre en charge la « situation sécuritaire » ;
  • La décision malienne en gestation de prolonger la transition de quelques années pour garantir la sécurité et la stabilité des institutions de la République ;
  • Le silence nigérien de définir, plus de 17 mois après le Coup, une période de transition principalement pour la garantie sécuritaire ;
  • L’Ordonnance n° 2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique au Niger rappelant également le caractère urgent de la sécurité, pour lui éviter tout frein procédural éventuel ;
  • La Note du Ministère des Affaires Etrangères du Niger n°004398/MAE/C/NE/SG du 17 avril 2024 informant que les autorités se réservent le droit de procéder au scannage ou à l’ouverture de tout colis arrivant de l’Extérieur ou sortant du territoire national « dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et pour des raisons de sécurité nationale. »

Le bouleversement de la coopération ouest-africaine étant réellement constaté grâce à la lutte entre différents Etats de la sous-région et le changement de partenaires étrangers, il a finalement des conséquences sur la vie des Etats et citoyens de l’AES.

II. Des conséquences de la reconfiguration ouest-africaine sur les pays de l’AES en matière de coopération

    Les conséquences sur la vie des Etats et des citoyens de l’AES engendrées par le changement fondamental dans la coopération en Afrique de l’Ouest sont doubles. D’une part, elles sont liées à une éventuelle rupture entre les deux parties/côtés (CEDEAO/AES) poussant la nouvelle Organisation à l’isolement ou à l’isolationnisme par rapport à ses voisins naturels (et par ricochet leurs alliés occidentaux) en ce qui concerne l’aspect sécuritaire qui constitue la pierre angulaire de leur existence et de leur action commune et individuelle (A). D’autre part, ces conséquences sont également relatives à l’ouverture vers d’autres partenaires que ceux du passé (B).

    1. Un isolement ou un isolationnisme des régimes militaires de l’AES

    Les trois Etats de l’Alliance sont-ils forcés de rester isolés par leurs pairs voisins (en ce sens on pourrait penser : ‘‘isolement forcé’’) ou ont-ils volontairement décidé de créer la distance avec ceux-ci (il s’agirait là de dire ‘‘isolationnisme voulu’’) ? les deux hypothèses peuvent se soutenir. De la CEDEAO et des trois Etats sous régimes militaires de transition, qui est à la base de la situation de rupture, chaque partie accuse l’autre.

    Trop de coups d’Etat militaires en Afrique de l’Ouest ? Ainsi s’interroge également ROBERT Anne-Cécile : « la succession de putschs laisse les commentateurs désemparés : six coups d’État en Afrique sahélienne depuis 2020, dans quatre pays — deux au Mali et au Burkina Faso, un en Guinée et au Niger —, comment penser un tel enchaînement ? »[29] La conséquence de ces coups de force doit-elle être leur punition par les autres Etats voisins surtout ? ou encore ces coups rendent les auteurs (en tant qu’autorités et donc représentants de l’Etat) réticents à leur ancien groupe ?

    Les deux hypothèses se justifient : la « batterie de sanctions » qui sont prises contre les Etats sous régimes militaires de transition (surtout avec le Niger à partir du coup du 26 juillet 2023) sont de nature à les isoler de façon à les pousser éventuellement au retour à un ordre constitutionnel[30] ou encore à un autre scénario inimaginé avant, leur sortie et l’alternative dans l’Alliance. Mais, d’un autre côté, l’hypothèse d’une volonté de s’isoler n’est pas à exclure, parce que s’estimant épuisés ou lésés dans l’ancienne configuration et évaluant une meilleure situation dans la nouvelle grâce à d’autres partenariats.

    Cette première hypothèse pourrait renvoyer, en droit international, au Projet d’articles de la Commission du droit international de 2001 sur la responsabilité internationale des Etats. Ce sont notamment les articles 1er et 2 de ce Projet qui traitent de la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et des éléments de ce fait. Selon le texte du Projet, « il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission : a) Est attribuable à l’Etat en vertu du droit international ; et b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat. » Les coups d’Etat militaire étaient-ils une violation d’une obligation internationale des Etats de l’AES ? Le présent travail, n’ayant pas pour vocation de répondre à cette question, met en lumière le changement qu’il y a eu dans la coopération existante en matière de sécurité. Il s’agit tout au moins de rappeler les prétentions des parties.

    Ainsi, sous les prétentions de la partie CEDEAO, ce qui précède pourrait servir de base juridique aux sanctions sur les Etats qui auraient violé leurs engagements internationaux. Même si le juge international seul est habilité à trancher, ces prétentions sont rejetées par les Etats de l’Alliance.

    Pour rappel, toujours dans le cadre de la première hypothèse de contre-mesures, celles-ci n’ont d’objectif que ceux permettant à ce que l’Etat auteur du fait internationalement illicite revienne au respect du droit international et donc de ses engagements internationaux. En définitive, cette hypothèse, confrontée à la réalité montre ses limites.

    De leur côté, les Etats de la nouvelle Alliance prennent à témoins les textes juridiques et les faits (avant et après les coups) pour défendre leur position. Ainsi, isolement forcé ou isolationnisme voulu, il ressort de cette étude que les régimes de transition militaires disent non seulement l’inutilité de rester dans l’ancienne configuration mais également accusent la CEDEAO d’agir sans droit dans les contre-mesures prises à leur encontre. Cela justifie par conséquent le changement de partenariat comme alternative à l’ancienne donne. D’où la confirmation de la deuxième hypothèse ci-dessus déclinée : les sanctions prises en guise de contre-mesures ont eu pour effet d’entériner la reconfiguration de la coopération en Afrique de l’Ouest. Elles ont été pour beaucoup dans la création de l’Alliance et le changement conséquent de partenariat avec l’Etranger.

    B. Un appel à de nouveaux partenariats de l’AES

    La création de la nouvelle organisation sous-régionale du Liptako-Gourma va d’un droit international relativement poussé (grâce au choix de la forme ‘‘Alliance’’ rappelant quelque peu l’Alliance du Traité de l’Atlantique Nord[31]) à un cadre purement national (avec l’intention d’en faire une fédération à terme, donc par agrégation[32]) en passant par la confédération (étape du moment depuis le 6 juillet 2024 servant de pont entre les deux étapes précitées).

    L’appel à de nouveaux partenariats émis par l’AES est double. Il concerne non seulement l’invitation à des membres de la CEDEAO d’intégrer la nouvelle Organisation[33], mais concerne également l’ouverture vers d’autres partenaires loin des habitudes de la CEDEAO. Ainsi, la Russie, l’Iran et d’autres partenaires semblent indiqués pour l’essor de l’AES alors qu’ils ne le sont pas forcément pour la CEDEAO.

    Pour évoquer la vie de l’AES dans la diversification de ses partenaires, il importe, ici, d’évoquer deux exemples de mise œuvre des textes fondateurs de l’AES, notamment dans le partenariat avec le Maroc[34] et dans l’unification sinon l’uniformisation de leurs discours officiels à l’international[35]. En effet, puisqu’il s’agit d’un des trois axes prioritaires unifiés des trois Etats, la diplomatie, en marge des sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2024, les Etats de l’AES et le Maroc, à travers leurs représentants à New York ont émis l’intention de coopérer, diplomatiquement, pour pallier certains problèmes en vue produire des résultats meilleurs pour les quatre partenaires[36]. Également, en matière de diplomatie, les trois Etats uniformisent leurs discours et s’alignent sur une seule position dans les instances internationales[37].

    La diversification des partenaires (volonté affirmée de coopérer avec tout partenaire respectant leur souveraineté) est intervenue à la création de l’AES et surtout avec la dénonciation de certains accords avec des partenaires d’avant cette période : à titre illustratif, c’est l’exemple des accords avec la France dans les trois Etats (ce qui a fini par faire quitter ce partenaire de longue date, action visiblement soutenue par les citoyens des trois Etats), c’est aussi l’exemple de l’accord des Etats-Unis avec le Niger où les bases militaires américaines ont dû quitter, etc.

    Conclusion

    En définitive, il importance de rappeler le fait qu’aucun document de portée constitutionnelle ne proscrit l’éventualité d’un « remariage » soumis à des conditions d’amélioration entre les pays de l’Afrique de l’Ouest globalement. Mais, dans l’immédiat, l’appel récent (relevant du discours politique) des gouvernements de l’AES à certains Etats de la CEDEAO de les rejoindre pour plus de souveraineté tranche sur la question de la rupture entre les deux Organisations. Cela laisse constater que les régimes militaires de transition au Burkina, au Mali et au Niger n’ont nulle intention de se reverser dans la Communauté. Ils projettent de relever les défis qui sont les leurs sans besoin de se reverser dans leur ancienne communauté.

    En tout état de cause, pour l’une comme pour l’autre organisation sous-régionale, le résultat escompté est la garantie de la sécurité aux populations de la zone sahélienne sous menace. Mais, le changement de configuration dans l’implémentation des solutions a désormais créé une rupture de coopération entre deux groupes d’Etats ouest-africains. Peut-être que des relations bilatérales entre elles émergeront avec plus de satisfaction que dans l’ancienne donne.

    En fin de compte, tout comme Jean Monnet considérait que la diffusion de l’information permet d’assurer une meilleure compréhension de « l’identité européenne » pour l’Europe communautaire dès ses débuts[38], il est de même pour les deux organisations ouest-africaines de procéder correctement à la sensibilisation des citoyens de leurs zones pour la réalisation des objectifs qu’elles se sont donnés. Cela passe notamment par les universités et les établissements d’enseignement supérieur, en plus d’autres moyens de diffusion de la règle de droit bénéfiquement applicable dans les espaces concernés.

    Par MOUTARI LAWALI Maman Lawali

    Docteur en Droit public

    Institutions d’attache : Université Abdou Moumouni

    Email : moutarilawm@gmail.com

    Numéros : +22796363345 // +22770738858

    Adresse : BP 8900, Sonuci, Niamey, Niger.

    Bibliographie

    Doctrine

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    7. O. NAREY (Dir.), La justice constitutionnelle, Actes du Colloque international de l’ANDC, Octobre 2015, L’Harmattan, 2015 ;
    8. A.-C. ROBERT, Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger, Pourquoi tous ces putschs ?, Le Monde diplomatique, Septembre 2023 ;
    9. A. K. SAIDOU, Démocratie et insécurité au Sahel : une cohabitation impossible ? Global Africa nº 5, pp. 138-152 2024 ;

    Documents de travail

    1. Acte constitutif de l’Union Africaine adopté à Lomé le 11 juillet 2000 ;
    2. Charte du Liptako-Gourma de Bamako instituant l’AES le 16 septembre 2023 ;
    3. Charte des Nations Unies de San Francisco signée le 26 juin 1945 ;
    4. Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 ;
    5. Décret n°2023-0966-PRES-TRANS/PM du 09 août 2023 portant modalités de passation de marchés publics dans le cadre de la mise en œuvre des projets spécifiques au Burkina Faso ;
    6. Ordonnance n°2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition au Niger ;
    7. Ordonnance n° 2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique au Niger ;
    8. Traité de l’Atlantique Nord 1949 ;
    9. Traité fondateur de la CEDEAO de Lagos signé le 28 mai 1975 et révisé le 24 juillet 1993 à Cotonou ;
    10. Traité fondateur de la Confédération de l’AES de Niamey signé le 6 juillet 2024.

    [1] Préambule de la Charte du Liptako-Gourma instituant l’AES du 16 septembre 2023.

    [2] L’essence même du droit international réside dans l’encadrement des relations amicales et conflictuelles entre les sujets de ce système, de cet ensemble de règles juridiques à caractère international. Ainsi doit être analysée la nouvelle configuration ouest-africaine : ces nouvelles relations appellent à un nouveau corpus juridique régissant.

    [3] Comme on le trouver au niveau de l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.

    [4] Ce sont la Charte du Liptako-Gourma instituant l’AES du 16 septembre 2023, le Traité portant création de la Confédération des Etats du Sahel du 6 juillet 2024 et le droit dérivé de ces textes fondateurs.

    [5] Voir la Charte des Nations Unies de 1945 dans les grands principes qu’elles énoncent s’agissant des relations interétatiques.

    [6] Il est à préciser que : l’AES a été créée des mois avant la sortie de la CEDEAO de ces trois Etats, même si un schéma logique aurait été que la sortie précède la création ; et, l’AES ayant débuté comme Alliance est ensuite devenue une confédération en juillet 2024.

    [7] Au Sahel, la zone partagée par les trois Etats subit l’ampleur de l’insécurité liée au terrorisme. Voir en ce sens les chiffres statistiques des sites officiels des Nations Unies, de l’Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), du Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), etc.

    [8] M. MOUNKORO, « Expliquez-moi le Sahel avec Niagalé Bagayoko, L’instant géopolitique », Vidéo YouTube du 23 janvier 2022, https://www.youtube.com/watch?v=__q_gQSaUQs&ab_channel=UPENDO (consulté le 02/03/2022).

    [9] Voir, en en tirant la conclusion de ce retour à l’ordre constitutionnel classique, l’Ordonnance nigérienne n° 2023-01 du 28 juillet 2023 dans son article 3 ; la Charte burkinabé de la transition datant du 25 mai 2024 implicitement dans l’article 4, alinéas 3 et 4 ; et la Charte malienne de transition modifiée le 25 février 2022 dans son article 9 implicitement.

    [10] A.-C. ROBERT, « Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger, Pourquoi tous ces putschs ? », Le Monde diplomatique, septembre 2023, https://www.monde-diplomatique.fr/2023/09/ROBERT/66087 (consulté le 01/06/2024).

    [11] La prise du pouvoir par la force, déjà proscrites par les textes de la CEDEAO ainsi que les différentes constitutions des pays concernés, crée comme un ‘‘effet domino’’ qui tend à toucher de plus en plus des Etats de cette communauté. Cela justifierait la peur de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO qui demanderait l’utilisation des moyens qui sont les siennes pour freiner le renversement des régimes démocratiquement installés.

    [12] Préambule de la Charte instituant l’AES.

    [13] Voir sur cette question, le retrait des trois Etats de la CEDEAO annoncé conjointement 28 janvier 2024 par les trois Gouvernements et notifié à la Communauté.

    [14] Voir sur cette question, le préambule de la Charte de l’AES dans le passage suivant : « réaffirmant leur attachement à la légalité internationale et régionale, consacrée notamment par la Charte des Nations Unies, l’Acte constitutif de l’Union Africaine et le Traité révisé de la CEDEAO ».

    [15] Il s’agit avant tout de la coopération multilatérale. Rien n’empêchant, dans les principes, à deux Etats d’avoir des rapports bilatéraux en fonction de leurs choix souverains.

    [16] Le 66è Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO tenu à Abuja (au Nigeria) datant du 15 décembre 2024 proroge le délai d’un an confirmatif (selon le Traité de cette Communauté) du retrait à quelques mois de plus pour laisser la possibilité du retour.

    [17] Le retrait a d’abord été communiqué à la télé des trois Etats, ensuite notifié à la CEDEAO en fin janvier.

    [18] Quand on parle de droit communautaire, l’histoire (quoique récente) renvoie effectivement à l’Europe. Le droit communautaire européen régit ce qui se passe dans l’espace de ses 27 Etats de l’Europe. La première institution pouvant être citée pour évoquer l’intégration graduelle de ceux-ci, c’est la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) créée en 1951 par le Traité de Paris entré en vigueur en 1952 pour une durée de 50 ans.

    [19] Cela renvoie également à la question de souveraineté clamée par les trois Etats de l’Alliance surtout s’agissant de la question sécuritaire.

    [20] Acte constitutif de l’Union Africaine adopté à Lomé le 11 juillet 2000.

    [21] Ibid.

    [22] H. VALAT, « La CEDEAO, une organisation économique rompue aux interventions militaires », Les Echos du 13 août 2023, https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/la-cedeao-une-organisation-economique-rompue-aux-interventions-militaires-1969793#:~:text=En%201990%2C%20la%20Cedeao%20cr%C3%A9e,ans%20%C3%A0%20ramener%20la%20paix (consulté le 02/06/2024)

    [23] Le même texte dans son esprit s’applique aux autres pays de la CEDEAO en vertu du principe du respect obligatoire des dispositions du droit communautaire. Rappelons que le Protocole de la CEDEAO pris à Dakar en 2001, dans son article 19 dispose : « L’armée est républicaine et au service de la Nation. Sa mission est de défendre l’indépendance, l’intégrité du territoire de l’Etat et ses institutions démocratiques. » Ainsi, pour la majeure partie d’interprétations, les coups d’Etat sont bannis.

    [24] Constitution malienne de 1992, art. 24 : « Tout citoyen, toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter en toutes circonstances la Constitution. »

    [25] Les chiffres sur l’insécurité au Sahel ont été en hausse depuis 2012, cela malgré la présence de la CEDEAO, donc le revirement dans la coopération s’en trouverait justifié pour la Partie Alliance de 2023. Sur les chiffres, voir M. L. MOUTARI LAWALI, La coopération multilatérale face au défi sécuritaire au Sahel, Thèse de l’Université Hassan II de Casablanca, juin 2022.

    [26] Voir l’ouverture vers la Russie en ce sens et le déplacement des autorités de transition pour rencontrer le Président russe V. Poutine en fin 2023 et début 2024.

    [27] C’est seulement l’idée du 6 juillet 2024 (Préambule du Traité de la Confédération) de ces trois Etats déclarant être « Désireux de parvenir à terme à une fédération » qui pourrait soit faire d’elle un Etat (donc application d’un droit interne et non international) parmi ses pairs ouest-africains et africains, soit l’élever en exemple régional d’intégration réussie contrairement aux autres tentatives ou aux autres communautés.

    [28] J.-P. OLIVIER De SARDAN, « Une sécurisation au service du peuple est-elle possible au Sahel ? », Whati.org du 15 mars 2023, https://www.wathi.org/laboratoire/tribune/une-securisation-au-service-du-peuple-est-elle-possible-au-sahel (consulté le 01/06/2024).

    [29] A.-C. ROBERT, « Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger, Pourquoi tous ces putschs ? », Le Monde diplomatique, septembre 2023, https://www.monde-diplomatique.fr/2023/09/ROBERT/66087 (consulté le 01/06/2024).

    [30] C’est le sens des contre-mesures en droit international où est permis d’agir contre un Etat ayant commis un fait internationalement illicite de façon à le ramener au respect du droit international donc de ses engagements internationaux. Voir à ces propos A. MAHAMAT, « Le Recours Aux Contre-Mesures en Droit International », International Multilingual Journal of Science and Technology (IMJST), Vol. 6 Issue 4, April – 2021, pp. 2976-2984

    [31] Le Traité de l’Atlantique Nord est signé le 4 avril 1949 avec pour objectifs pour les Parties signataires de « s’efforc[er] d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales (…) » (article 2) dans l’idée de leur résolution « à unir leurs efforts pour leur défense collective » (préambule).

    [32] C’est la façon pour des Etats de se constituer en un seul Etat fédéral. Voir à ce propos, sur la définition de l’Etat fédéral, S. GUINCHARD, T. DEBARD (Dir.), Lexique des termes juridiques, 30ème Ed., 2022-2023 ; Cela peut rappeler le fédéralisme américain qui s’est « construit par l’agrégation d’États » comme l’écrivent F. HAMON et M. TROPPER, dans leur Manuel Droit constitutionnel, LGDJ, 35ème Ed. 2014, p.258.

    [33] C’est justement l’exemple plausible du Togo qui pourrait aller dans ce sens. Voir Le Monde avec AFP, « Le Togo multiplie les appels du pied en direction des juntes de l’Alliance des Etats du Sahel », Le Monde en ligne du 21 mars 2025, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/21/le-togo-multiplie-les-appels-du-pied-en-direction-de-l-alliance-des-etats-du-sahel_6584256_3212.html (consulté le 22/03/2025).

    [34] La pertinence de cet exemple réside dans le fait que l’AES est créée également pour la recherche de « développement » et l’accès à la mer est un impératif pour les trois Etats, cela peut être permis par ce partenariat avec le Maroc ayant des côtes sur l’Atlantique et la Méditerranée.

    [35] Trois exemples permettent ici d’illustrer l’article 4 du Traité de Niamey du 6 juillet 2024 (et avant lui la Charte du Liptako-Gourma) portant création de la Confédération des Etats du Sahel (dans son aspect ‘‘diplomatie’’ commune). Il s’agit du retrait des trois Etats concernés de la CEDEAO en janvier 2024, des discours des représentants de ces mêmes Etats à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024 et de leur retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie en mars 2025 : une diplomatie exercée au niveau confédéral.

    [36] Ils sont quatre Etats différents, mais il s’agit de deux partenaires, d’un côté le Maroc, pays côtier au sens de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 et d’un autre côté le trois Etats du Liptako-Gourma.

    [37] Par exemple au niveau de l’ONU, de l’UA, de la CEDEAO à la fois dans les discours que dans les notifications qu’ils y font.

    [38] A. SOW, « La diffusion du droit communautaire ouest-africain », IRENEE/ Université de Lorraine 2016/2 N° 37, pp. 351-370, p. 354.

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