Publié par Mélanges en l’honneur de M. le professeur Francis V. WODIE
Noble à tous égards, la tradition universitaire qui consiste à rendre hommage à un Maître, traduit cette expression du Doyen Vedel qui relève qu’« entre tous ceux qui font métier d’écrire, le professeur détient un avantage singulier, celui d’avoir enseigné. Il n’a pas eu seulement des lecteurs ou, dans le meilleur des cas un public, mais des élèves et des disciples. Les livrets d’hommage qui lui sont dédiés (…) ne sont en partie qu’un témoignage d’estime et d’affection. Leur inspiration et leur raison d’être procèdent en plus de la reconnaissance ». Sa doctrine, qui reflète une conception propre de son champ d’étude est ainsi reprise et enseignée, parfois approfondie, si elle n’est discutée.
Concluant une étude relativement récente, le dédicataire de ces lignes relève, en doctrinaire, que « le juge a une mission de paix, d’ordre et de sécurité ; car telle décision ou procédure peut conduire à l’apaisement et à la paix ; telle autre décision peut provoquer la violence et le désordre. Le juge ne peut donc être indifférent ou sourd aux pulsations qui rythment la vie en société et aux convulsions sociopolitiques qui scandent et peuvent agiter l’Etat ». Pour renforcer cette conviction, le Doyen Wodié utilise la parabole de la balance, du glaive et de l’aiguille. Pour lui, « (…) au lieu d’avoir comme symbole la balance et le glaive, plus le glaive que la balance pour trancher voire retrancher la vie, ne serait-il pas plus « juste », remontant le temps, de recueillir l’héritage de la tradition qui retient comme emblème de la justice l’aiguille ? L’aiguille (dont) la fonction essentielle (…) est de servir à coudre ou raccommoder le tissu, ici le tissu social ou national, quand il s’effiloche ou s’est déchiré… ». Position pleine de bon sens dans une Côte d’Ivoire alors en prise aux démons de la division ! Plus encore, une telle conception du juge est plus que salutaire dans un environnement qui n’est pas préservé de la tentation de soumettre la Justice au pouvoir politique. Son effectivité nécessite, sur le plan démocratique, que la fonction de juger retrouve sa nature originelle : un véritable pouvoir dans l’Etat.
Mais cela est bien connu, la doctrine n’est pas productrice de normes, elle n’est pas source de droit : « quelle que soit son autorité, la doctrine n’est tout au plus qu’une source persuasive. Plus influentes sont la loi, la jurisprudence et les conventions internationales qui s’unissent, dans des combinaisons variables, pour résoudre des situations de plus en plus nombreuses».
Le Doyen Wodié est, aujourd’hui, Président du Conseil constitutionnel ivoirien. Non plus simplement doctrinaire, mais juge ; un juge ayant une large connaissance des conventions internationales, parce que les ayant notamment enseignées. Il devrait donc y avoir, en lui, un dédoublement souhaitable. La doctrine a une fonction de veille : veiller à la qualité formelle mais aussi substantielle du système juridique. Le juge doit appliquer la loi, une application dont le sens est de réaliser le passage du droit à la justice, de réaliser le droit dans l’acte de juger. Dans sa condition actuelle, le dédicataire de ces Mélanges devrait, en quelque sorte, allier la réflexion – sur la qualité intrinsèque des règles qu’il applique – à l’action – c’est-à-dire la nécessité de régler les différends qui lui sont soumis et de contribuer à un apaisement politique et social.
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Par Moussa ZAKI
Université Gaston BERGER
Saint-Louis, Sénégal
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