Le contrat pétrolier évolue dans «un univers normatif» mouvant où cohabitent essentiellement deux parties présentant des statuts différents. Cette relation contractuelle prend nécessairement en considération, entre autres, des réalités juridiques, politiques, économiques, géologiques, afin de garantir une entente contractuelle mutuellement favorable et en conformité aux exigences environnementales, sanitaires, sociales et sécuritaires[1].
L’État d’accueil, le premier acteur, est une entité souveraine[2] disposant le plus souvent, des ressources naturelles. Le second est un investisseur privé présentant des garanties techniques et financières pour la réalisation des projets pétroliers que lui confie l’Etat. L’interaction dictée par la volonté commune des deux parties au contrat, fait régenter des zones de conforts pour chaque acteur, dont les contours sont définis par des régimes juridiques et fiscaux spécifiques[3]établis.
En effet, un régime légal octroie à l’entité souveraine des pouvoirs exorbitants en termes de prérogatives de puissance publique, puisqu’elle jouit de la compétence de transférer les titres miniers[4], indispensables pour le démarrage de la mise en œuvre des projets pétroliers ou miniers. Devant ce confluent de deux ordres juridiques, précisément le droit interne et le droit international, il est significatif de préciser que la vie des contrats pétroliers est très loin d’être un long fleuve tranquille, tant des incertitudes planent sur ces derniers.
En effet, conclu pour de longue durée[5], l’engagement pétrolier est moulé avec les risques[6]. C’est un accord de volonté inachevé et imparfait conduisant dans une certaine mesure à une véritable aventure. Déjà, « les révolutions normatives » font face « aux paniques du déclin » prévues, pour certains, en 2050[7]. Afin de faire face aux aléas multiples et protéiformes[8], donnant lieu à des changements de circonstances imprévisibles[9], les accords pétroliers prévoient une batterie de normes, soutenues par des pratiques et des stratégies tout au long de l’exécution du projet. Cette posture préventive s’inscrit dans la logique de faire face aux intérêts divergents et quelquefois conflictuels des parties, en canalisant les éventuels agissements unilatéraux de l’une d’entre elles.
Les contrats pétroliers donnent lieu à un enchevêtrement de régimes juridiques charriant des intérêts antagonistes qui ballotent entre les vagues de stabilisation, d’une recherche circonstanciée de flexibilité, sans laisser en rade les incitations croissantes découlant des coûts à obtenir.
Par Mouhamed DIOUF
Doctorant en Droit public à l’UCAD : Relations Internationales
[1] Voir l’art. 53 de la Loi n°2021-03 du 3 février 2019 portant Code pétrolier du Sénégal.
[2] O. BAUD, « La puissance étatique », PUF, 1994, p.35.
[3] M. AUDIT, S. BOLLE, P. CALLE, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2e éd. LGDJ, 2016, p.37 et ss: il s’agit d’un champ normatif qui concerne à la fois le droit public et le droit privé.
[4] Le titre minier est une « autorisation administrative indispensable à l’exploitation des ressources naturelles », Son octroi obéit à des conditions d’éligibilité suivant une procédure d’octroi bien déterminée : voir T. LAUREOL et E. RAYNAUD, Le droit pétrolier et minier en Afrique, LGDJ, 2016, pp.473-790.
[5] Selon les contrats, cette durée peut s’étendre sur 25 ans, 30 ans, voire plus.
[6] T. LAUREOL et E. RAYNAUD, Le droit pétrolier et minier en Afrique, op.cit., pp.61-65.
[7] S. ROSSIAUD, « L’ouverture de l’amont pétrolier à des compagnies privées » in, Revue d’économie industrielle, n°150, 2e trimestre, 2015.
[8] ici, parmi les crises qui peuvent secouer l’équilibre du contrat, il est possible d’énumérer les coups d’Etat, l’avènement des nouvelles autorités avec de nouvelles institutions, les perturbations liées aux lois du marché, les exigences économiques imposées par la globalisation, les circonstances exceptionnelles… : voir E. A. NKOUNKOU, La stabilité des investissements pétroliers et miniers transnationaux : des contrats aux traités, Thèse de doctorat d’Etat en droit, soutenue à l’université de Québec, 2012, p.5
[9] D. PHILIPPE, « La clause rebus sic stantibus et la renégociation du contrat dans la jurisprudence arbitrale internationale », in Liber amicorum Guy Keutgen, Bruxelles, Bruylant, 2008, p.473 : Il s’agit plus précisément des changements d’ordre politique, juridique, économique, climatique…
Mon cher maître, vous nous avez servis un article tellement à la hauteur. On parvient à comprendre les contours de la renégociation des contrats qui touchent les produits pétroliers. Merci et bonne continuation.