PETITES CONSTITUTIONS ET DROIT TRANSITOIRE EN AFRIQUE, Par Moussa ZAKI

Référence : RDP, numéro 6, 2012

« Il faut quelquefois violer les chartes pour leur faire des enfants. En matière de pouvoir, toutes les fois que le fait n’a pas besoin d’être violent pour être, le fait est droit ». Cette opinion d’un révolutionnaire de 1830 trouve sa parfaite traduction dans certains dispositifs bâtards, nés d’une violation de la légalité mais qui, liftés par la doctrine, se recommandent paradoxalement par leur sens pratique. Les petites constitutions en sont l’exemple. Nées d’un fait grave dans l’histoire constitutionnelle de la France, elles se sont ensuite imposées comme une catégorie fonctionnelle du droit constitutionnel moderne. En effet, le concept de « petites constitutions » fut d’abord appliqué à des « normes formellement constitutionnelles investissant un gouvernement de fait dans le cadre d’un régime semi-constitutionnel », et se rapportait alors à la loi constitutionnelle française du 10 juillet 1940. Il fut ensuite élargi à des normes « provisoires, parfois même formalisées, souvent uniquement matérielles, intermédiaires entre la Constitution révolue et la nouvelle Constitution encore au stade de projet ». On est ainsi passé de la théorisation d’une situation inédite en droit constitutionnel à la mise en place d’un dispositif opératoire : résultat d’une situation de pur fait, les petites constitutions ont progressivement acquis, dans la théorie constitutionnelle, une légitimité comme mode alternatif de projection vers un ordre juridique que l’on voudrait en parfaite harmonie avec le temps et la réalité des forces politiques et sociales qui doivent l’animer.

Elles posent d’une part la problématique de la relation du droit au temps, d’autre part la question de la succession des ordres juridiques et projettent la réflexion sur le droit transitoire.
Tout ordre juridique se caractérise par son imbrication dans une temporalité qui lui donne un sens et une portée. Le temps dans sa globalité, mais aussi dans la scansion dont il peut faire l’objet. Le rapport de la Constitution au temps se perçoit cependant sous la forme d’un paradoxe : d’une part, le temps fournit une grille de lecture privilégiée de la bonne ou mauvaise Constitution. Ici la durée est le signe même du dynamisme, de la flexibilité et de l’ancrage de la Constitution dans la conscience collective, de son adéquation avec l’idée de droit qui fonde les valeurs d’une société ; d’autre part, la Constitution est l’expression du temps, elle lui donne un rythme et un sens : le temps constitutionnel dure une République dont le terme est variable en fonction de l’aura de rationalité dont elle bénéficie, c’est-à-dire en fonction de sa « conformité aux exigences de la Raison ». Ainsi, en même temps que la Constitution doit être le reflet de son temps, « le temps est une des formes (…) de contingence contre laquelle la Constitution doit se préserver ».

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Par Moussa ZAKI
Université Gaston Berger
Saint-Louis, Sénégal

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