La réforme du secteur parapublic : évolution ou révolution administrative ? Par Papa Assane TOURE, Magistrat

Introduction

La loi n°90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique[1] constitue sans nul doute l’un des symboliques les plus achevés du secteur parapublic.

Après plus de trois décennies de mise en œuvre, le dispositif législatif prévu par ce texte a révélé des lacunes et il a paru nécessaire de procéder à sa refonte, par l’abrogation de la loi n°90-07 du 26 juin 1990 précitée. Tel est l’objet de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur parapublic, au suivi du   portefeuille de l’État et au contrôle des personnes, morales de droit privé  bénéficiant du concours financier de la puissance publique, qui vient d’être publiée au Journal officiel[2].

Ce texte, qui trouve son inspiration philosophique dans la Doctrine de gestion du portefeuille de l’État (DGP), élaborée par le Ministère des Finances et du Budget ainsi que dans les standards internationaux dans le domaine de la stratégie de l’actionnariat public, notamment les lignes directrices de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) sur la gouvernance des entreprises publiques, a eu pour objectif général de promouvoir la bonne gouvernance dans la gestion des organismes du secteur parapublic.

Le nouveau dispositif s’articule autour d’une part, d’une option d’extension du périmètre du secteur parapublic (I) et d’autre part, d’une volonté d’amélioration de la gouvernance des entités de ce secteur (II).

     I. Une option d’élargissement du périmètre du secteur parapublic

Le législateur a procédé à l’élargissement du champ du secteur parapublic. Désormais, les entités de ce secteur comprennent d’une part les organismes publics et d’autre part les sociétés publiques. Selon l’article 3 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022 susvisée, les organismes publics sont les établissements publics, les agences d’exécution et autres structures administratives similaires ou assimilées. Ces dernières entités désignent des structures dont les modes d’organisation et de fonctionnement s’apparentent à ceux des agences d’exécution sans en prendre la dénomination, à savoir notamment les fonds, les délégations générales, les hautes autorités et les offices.

Quant aux sociétés publiques, elles désignent les sociétés nationales et les sociétés à participation publique majoritaire.

Le périmètre couvert par le secteur parapublic irradie en réalité toute la sphère publique. On peut même se demander si l’expression « secteur parapublic » est toujours appropriée. En effet, dans sa pureté originelle, en dehors des EPIC soumis en tant que personnes morales de droit public aux règles de la comptabilité publique (principe du service fait, séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable, etc.), le secteur parapublic désigne des entités, relevant de l’économie mixte, qui appliquent pour l’essentiel le droit privé (entreprises publiques).

Mais le nouveau cadre législatif du secteur parapublic n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les structures publiques.

D’abord, le législateur exclut expressément les ordres professionnels et les chambres consulaires. Il s’agit en réalité des établissements publics à caractère professionnel, qui selon l’article 3 de l’ancienne loi n° 77-89 du 19 août 1977 relative aux établissements publics, aux sociétés nationales aux sociétés d’économie mixte et aux personnes morales bénéficiant du concours financier de la puissance publique[3], « sont chargés de l’organisation ou de la représentation d’une profession ou d’un groupe de profession et bénéficiant à ce titre de certaines prérogatives de puissance publique » [4].

Ensuite, la loi d’orientation n’a pas vocation à s’appliquer aux autorités administratives indépendantes (AAI)[5]. Il s’agit d’autorités agissant au nom de l’État de manière autonome et indépendante, c’est-à-dire sans être subordonnées au Gouvernement ou à l’Assemblée nationale; mais qui sont soumises au contrôle du juge.

L’exclusion des AAI du secteur parapublic se justifie puisque si ces entités appartiennent à l’appareil administratif (ce sont des autorités administratives), elles ne sont soumises ni à la tutelle, ni au pouvoir hiérarchique de l’État. Dès lors, elles ne sauraient être considérées comme des structures administratives similaires ou assimilées, lesquelles sont généralement placées sous la tutelle de services de l’État (Présidence de la République, Primature, ministères)[6]. Traditionnellement, les AAI sont simplement rattachées aux services de l’État, en raison de leur dépendance budgétaire à l’égard des structures étatiques.

Enfin, sont aussi exclus du domaine du secteur parapublic, les organismes de protection sociale, à savoir les institutions de prévoyance sociale, comme la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) et l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES), même si l’article 54 alinéa 3 de la loi organique du 26 février 2020 relative aux lois de finances les considère comme des « organismes publics ».

La situation peut être complexe puisque certaines entités, bien que relevant « virtuellement » du secteur parapublic, ne devraient pas être soumises à la loi d’orientation[7]. Il en est ainsi des sociétés anonymes à participation publique majoritaire, dites « sociétés à statut spécial »[8], qui interviennent dans des secteurs stratégiques, notamment le Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques (FONSIS)[9], la société APIX-SA[10] et la société AIBD-SA[11], dont les textes excluent expressément l’application de l’ancienne loi n° 90-07 du 26 juin 1990.

Toutefois, l’extension du champ du secteur parapublic pourrait poser de délicats problèmes d’articulation juridique, si l’on sait que les entités attirées dans l’orbite du secteur parapublic (établissements publics, agences d’exécution, sociétés publiques, etc.) étaient déjà régies par des textes spécifiques.

En tout état de cause, le législateur n’a pas entendu pour autant faire table rase des textes particuliers applicables à ces entités. D’après l’article 15 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022, la création, l’organisation et le fonctionnement des entités du secteur parapublic sont conformes aux règles particulières applicables à chaque type d’organisme. Ainsi, le législateur laisse subsister les règles particulières applicables à ces entités non contraires à la loi d’orientation, qui ne constitue qu’un cadre général fixant les règles de base applicables au secteur parapublic, tout en laissant jouer les normes spécifiques non contraires.

C’est tout le sens qu’il convient de donner au recours à l’instrument normatif de la loi d’orientation. En effet, selon la circulaire n° 0010 PM/SGG/SGA/PAT du 05 juillet 2016 sur l’objet et les techniques de rédaction des lois d’orientation, la loi d’orientation fixe le cadre dans lequel doit être conduite une politique publique dans un secteur d’activité déterminé. La loi d’orientation constitue en réalité le cadre juridique pertinent dans lequel doivent se mouvoir les interventions étatiques dans le secteur parapublic [12].

La mise en place de comités scientifiques et techniques au sein des conseils d’administration des établissements publics à caractère scientifique et technologique constitue un exemple typique de l’application de dispositions particulières non contraires. En effet, selon l’article 9 de la loi n°97-13 du 26 mai 1997 portant création des établissements publics à caractère scientifique et technologique et fixant leurs règles d’organisation et de fonctionnement, le comité scientifique et technique est un organe consultatif du conseil d’administration qui donne son avis sur les grandes orientations de la politique scientifique et technologique ainsi que sur les programmes de recherche. Cette disposition n’est pas contraire à la loi d’orientation qui prévoit, en son article 24, l’institution par l’organe délibérant de comités spécialisés chargés de l’éclairer, à titre consultatif.

La même observation vaut pour les conseils académiques créés au sein des établissements d’enseignement supérieur publics par l’article 14 de la loi n° 2015-26 du 28 décembre 2015 relative aux universités publiques, qui sont des instances de délibération sur toutes les questions d’ordre académique.

En outre, la subsistance des règles particulières applicables aux entités du secteur parapublic se manifeste par la soumission de principe des sociétés publiques au droit commun de l’OHADA. En effet, en vertu de l’article 18 de la loi d’orientation, la création des sociétés à participation publique majoritaire obéit au droit commun des sociétés commerciales de l’OHADA et n’exige pas l’intervention d’un acte législatif ou réglementaire. Elle suppose seulement l’accomplissement des formalités de constitution des sociétés commerciales prévues par l’AUSCGIE (établissement des statuts, souscription du capital et inscription au registre du commerce et du crédit mobilier)[13].

Toutefois, l’article 15 de la loi d’orientation précise que les dispositions de ladite loi s’imposent dans tous les cas où elles sont en conflit avec les règles particulières applicables aux entités du secteur parapublic. Ainsi, les dispositions du décret n° 2009-522 du 4 juin 2009 portant organisation et fonctionnement des agences d’exécution, selon lesquelles le conseil de surveillance comprend au plus neuf membres, sont neutralisées par l’article 20 de la loi d’orientation qui porte le nombre maximum de membres de l’organe délibérant à douze, y compris, les administrateurs indépendants[14].

La primauté des règles prévues par la loi d’orientation sur les normes particulières applicables aux entités du secteur parapublic en cas de conflit concerne également les dispositions des Actes uniformes de l’OHADA applicables aux sociétés publiques. Il peut paraître curieux que les dispositions nationales de la loi d’orientation l’emportent sur les normes supranationales du droit uniforme de l’OHADA.

Mais en droit uniforme des sociétés commerciales, la volonté du législateur de l’OHADA d’unifier les législations nationales[15] s’est vite inclinée devant la particularité de certaines sociétés dites « sociétés soumises à un régime particulier ». Il résulte, en effet, de l’article 916 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) que les dispositions de cet Acte uniforme s’appliquent aux sociétés soumises à un régime particulier « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles elles sont assujetties ».

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA a eu l’occasion, dans son avis n° 002/2016 du 18 octobre 2016[16], de rappeler que : « la notion de « société soumise à un régime particulier » désigne toute structure juridique revêtant une des formes prévues par l’AUSCGIE qui, en raison de ses activités ou de la mission d’intérêt général qu’elle accomplit, est soumise à certaines règles de droit sectorielles ou dérogatoires du droit commun des sociétés commerciales de l’OHADA ». Les sociétés publiques, dont la particularité est liée à la présence d’une autorité publique dans le capital social, occupent une place de choix dans les sociétés à régime particulier[17].

Le législateur communautaire a ainsi élevé le droit uniforme de l’OHADA au rang de droit commun des sociétés publiques, le droit national des entreprises publiques hébergé par la loi d’orientation, faisant office de droit spécial. Le statut de droit spécial conféré au droit national des sociétés publiques est conforté par l’article 18 de la loi d’orientation. Selon ce texte, les statuts des sociétés publiques sont conformes aux dispositions de l’AUSCGIE de l’OHADA, sous réserve des dispositions particulières prévues par cette loi.

     II. Une volonté d’amélioration de la gouvernance des entités du secteur parapublic

Au-delà l’élargissement du domaine du secteur parapublic, le dispositif instauré par la loi d’orientation est traversé par une volonté de renforcer la gouvernance des entités relevant de ce secteur.

S’agissant des règles de création de ces structures, le législateur a innové en exigeant désormais, avant leur création, la réalisation d’une étude d’opportunité par la tutelle technique. Cette étude est complétée le cas échéant d’un plan d’affaires indiquant la nécessité, la pertinence et la viabilité de l’établissement à créer[18]. Cette étude d’opportunité rappelle l’étude d’impact et d’opportunité exigée par l’article 2, alinéa 3 de la loi d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution avant la création d’une agence d’exécution[19]. L’étude d’opportunité constitue un outil d’évaluation ex ante permettant de s’assurer de l’opportunité de la création d’une entité du secteur parapublic et de sa pérennité.

Le législateur s’est aussi particulièrement attaché à assouplir les règles de création des entités du secteur parapublic. Sous l’empire de la législation antérieure, la création des EPIC et des sociétés nationales était autorisée par la loi[20]. La loi d’orientation a maintenu la nécessité d’une autorisation légale pour la création d’une société nationale[21], mais elle a supprimé cette exigence en ce qui concerne les EPIC. Par ailleurs, désormais, les statuts des sociétés nationales ne sont plus approuvés par décret, mais par simple arrêté du Ministre chargé des Finances[22].

Dans la pratique normative, la détermination du support normatif de création d’un établissement public avait donné lieu à des controverses. Par un avis n° 04-A-2017 du 19 avril 2017[23], la Commission spéciale de l’Assemblée générale consultative de la Cour suprême avait distingué suivant qu’il s’agisse d’un EPIC ou d’une autre catégorie d’établissement public. S’agissant des EPIC, la haute juridiction a soutenu qu’il ne pouvait être créé que par voie législative en vertu de l’article 3 de l’ancienne loi n° 90-07 du 26 juin 1990 précitée. En ce qui concerne les autres catégories d’établissements publics, en l’absence d’une disposition constitutionnelle ou légale prévoyant leur création par voie législative, la cour a estimé que le Gouvernement était autorisé, en application de l’article 76, alinéa 2 de la Constitution, à utiliser le support règlementaire.

Les rédacteurs de la loi d’orientation ont voulu sans nul doute chasser définitivement les démons de ces controverses. Il résulte de l’article 17 alinéa 1er de la loi d’orientation qu’à l’image des autres organismes publics, les établissements publics sont créés par décret.

Le support réglementaire retenu est tout à fait conforme à l’article 67 de la Constitution, selon lequel la loi ne fixe ni les règles ni les principes fondamentaux concernant la création des établissements publics. Or, en vertu de l’article 76 de la Constitution, les matières qui ne sont pas du domaine législatif relèvent du règlement. En conséquence, la création des établissements publics appartient au domaine réglementaire.

Toutefois, si le principe de la création des établissements publics par voie décrétale est acquis, il se heurte à certaines limites.

En premier lieu, lorsque dans les règles d’organisation et de fonctionnement de l’établissement public, il y a des matières qui relèvent du domaine exclusif de la loi (procédure pénale, nationalisation d’entreprises, transfert de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé, etc.), le recours au support législatif s’impose.

En deuxième lieu, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, la voie réglementaire est exclue lorsque le texte portant création et organisation de l’établissement public est contraire ou déroge à une loi en vigueur. Ainsi, les textes législatifs existants portant création d’établissements publics ne pourront être abrogés et remplacés que par d’autres lois[24].

En troisième lieu, le recours au vecteur législatif est inévitable lorsque les règles de création et d’organisation de l’établissement public remettent en cause un principe général du droit. En effet, comme l’a énoncé l’avis de l’Assemblée générale consultative précité, seule une loi peut déroger à un principe général du droit.

En ce qui concerne les règles d’organisation et de fonctionnement des entités du secteur parapublic, le législateur a eu pour souci de promouvoir la bonne gestion et la performance de ces structures administratives.

La mise en place au sein de l’organe délibérant de comités spécialisés rentre dans ce cadre. Selon l’article 24 de la loi d’orientation, l’organe délibérant met en place des comités spécialisés chargés de l’éclairer, à titre consultatif, en matière d’audit et de rémunération. En fonction des besoins spécifiques, l’organe délibérant peut créer d’autres comités spécialisés. L’institution des comités spécialisés constitue une obligation pour l’organe délibérant, l’article 22 de la loi d’orientation prévoyant que le défaut de mise en place de ces comités peut faire encourir des sanctions à l’organe délibérant.

Dans un contexte marqué par le renouveau de la gestion axée sur les résultats (GAR), l’article 21 de la loi d’orientation intègre dans les documents de gestion à approuver par l’organe délibérant des outils de gestion axés sur les résultats. Il en est ainsi du plan stratégique de développement, du contrat de performance, du contrat d’objectifs et de moyens ainsi que du rapport annuel de performance.

L’article 28, alinéa 3 de la loi d’orientation énonce que les délibérations par consultation à domicile ne sont pas autorisées dans les organismes publics. S’agissant des sociétés publiques, l’article 133 de l’AUSCGIE prévoit que sous réserve des dispositions applicables à chaque forme de société, les décisions collectives peuvent être prises en assemblée générale ou par consultation écrite des associés.

Toutefois, l’alinéa 4 de l’article 28 de la loi d’orientation précise que, conformément aux dispositions de l’AUSGIE, les statuts des sociétés publiques prévoient la tenue de réunions du conseil par visioconférence ou d’autres moyens de télécommunication (par exemple, applications informatiques, comme zoom, etc.) permettant l’identification des administrateurs et garantissant leur participation effective pour voter oralement[25]. Le législateur a aussi renforcé le dispositif de responsabilisation de l’organe délibérant. En effet, l’article 22 de la loi d’orientation spécifie les cas d’irrégularités dans le fonctionnement de l’organe délibérant de nature à lui faire encourir des sanctions, à savoir le blocage ou la carence caractérisée, notamment par la non-tenue des réunions aux dates prévues par la loi et le défaut de mise en place des comités spécialisés.

Le besoin de garantir la transparence dans la gestion parapublique est au cœur de la réforme. Le nouveau dispositif prévu consacre la représentation, au sein de chaque organe délibérant, des salariés par un administrateur qui bénéficie d’une voix délibérative[26].

En vue de garantir une meilleure coordination de l’activité des administrateurs représentant l’État, la loi d’orientation pose le principe de l’interdiction pour un administrateur représentant l’État de siéger dans plus de trois (3) organes délibérants d’entités du secteur parapublic, sauf dérogation accordée par l’autorité de tutelle technique ou financière et institue la tenue par l’autorité administrative chargée de la tutelle technique de réunions de pré-conseil.

Déjà, une circulaire n° 0010 PR du 20 août 1990 relative au rappel de la circulaire n° 03 du 26 janvier 1976 sur le fonctionnement des conseils d’administration des entreprises du secteur parapublic préconisait dans les sociétés nationales, les établissements publics et les sociétés anonymes à participation publique majoritaire, la tenue régulière de pré-conseils « en vue d’harmoniser les positions des administrateurs de l’État pour une bonne préparation et un bon déroulement des conseils d’administration »[27].

D’après la circulaire n° 13 PR/ME/MSAP/SGP/CF 3 du 24 juin 1994 relative à la tenue des pré-conseils dans le secteur parapublic, les pré-conseils « offrent l’occasion aux ministres concernés de compléter leur information sur les questions à examiner par les organes délibérants, de concilier les positions des administrateurs représentant l’État et de transmettre à ces derniers les directives des autorités »[28].

La tenue des pré-conseils a été récemment rappelée par la circulaire présidentielle n° 0017 PR/SG du 14 janvier 2022 relative au renforcement de la supervision des contrôles et de la bonne gouvernance des entités du secteur parapublic. Les pré-conseils constituent en réalité des cadres administratifs permettant au chef du département ministériel ou du service de l’État exerçant la tutelle sur l’entité du secteur parapublic de « transmettre les orientations de l’État aux administrateurs le représentant »[29] ; ce qui permet à ces derniers de mieux faire valoir les intérêts de l’Etat au sein de l’organe délibérant.

L’une des innovations majeures de la loi d’orientation réside dans le renforcement du dispositif de contrôle et d’audit interne des entités du secteur parapublic. Le législateur a procédé à la mutation de l’ancien Comité consultatif du Secteur parapublic[30] devenu un Comité de Suivi du Secteur parapublic dont l’avis est obligatoirement requis dans toutes les matières relatives au secteur parapublic (création, dissolution d’une entité du secteur parapublic, prise de participation directe de l’État dans le capital d’une société, etc.)[31].

Mais il faut préciser que malgré l’intégration des agences d’exécution dans le champ du secteur parapublic, la loi d’orientation spécifie que le pouvoir consultatif du Comité de Suivi du Secteur parapublic s’exerce « à l’exception des agences d’exécution et des autres structures administratives et similaires ».

Cette réserve législative ne saurait étonner puisque l’article 2 du décret n° 2020-18493 en date du 1er juillet 2020 énonce que la Commission d’évaluation des agences d’exécution (CEAE) a pour mission notamment de donner un avis sur l’opportunité de la création d’une agence sur la base du rapport présenté par son autorité de tutelle. La CEAE exerce également ses compétences sur les structures administratives similaires, dès lors que le dispositif juridique normalisé prévu pour encadrer l’organisation et le fonctionnement des agences d’exécution s’applique aux agences et aux « autres structures administratives similaires »[32].

La loi d’orientation a également innové en prévoyant la mise en place d’une politique d’audit interne dans chaque organisme du secteur parapublic[33]. Cette politique est destinée à apprécier les risques, à lancer l’alerte de façon précoce et à formuler des recommandations en vue d’améliorer le fonctionnement des entités du secteur parapublic.

En définitive, en attendant l’adoption des textes d’application, il est certain que la loi d’orientation constitue une avancée certaine dans la stratégie de consolidation de la performance des structures du secteur parapublic.

 

Papa Assane TOURE

Magistrat

Docteur en Droit privé et Sciences criminelles

Secrétaire général adjoint du Gouvernement

chargé des Affaires juridiques

 

 

 

[1] JORS n° 5358 du 7 juillet 1990, p. 325.

[2] JORS, n° 7516 du 21 avril 2022, p. 353.

[3] JORS n° 4586 du lundi 12 septembre 1977, p. 1177.

[4] V. MEFP, Guide de l’administrateur, décembre 2016, p. 18.

[5] B. SALL, Contribution à l’étude des autorités administratives indépendantes, Thèse doctorat d’État, Poitiers 1990 ; NG. NGOM, Réflexion sur un phénomène récent en Afrique : les autorités administratives indépendantes, Thèse doctorat d’État, Dakar, 2001.

[6] P. A. TOURE, « Du sens et de la portée de la tutelle exercée par l’État sur les structures administratives autonomes», Le Soleil n° 15408 du mercredi 06 octobre 2021, p. 16.

[7] V. notamment, la loi n° 75-50 du 03 avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale.

[8] V. MEFP, Guide de l’administrateur, décembre 2016, p. 8.

[9] V.  art. 22 de la loi n° 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la création d’un Fonds souverain d’investissements stratégiques (FONSIS).

[10] V. art. 7 de la loi n° 2007-13 du 19 février 2007 autorisant la création d’une société anonyme à participation publique majoritaire, dénommée « APIX-SA ».

[11] V. art. 5 de la loi n° 2009-05 du 09 janvier 2009 autorisant la prise de participation majoritaire de l’État dans la société AIBD.

[12] P. A. TOURE, Légistique. Techniques de conception et de rédaction des lois et des actes administratifs. Une tradition de gouvernance normative, Dakar, l’Harmattan, n° 146.

[13] V. notamment l’art. 97 de l’AUSCGIE.

[14] V. art. 20 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[15] V. J. ISSA-SAYEGH et J. LOHOUES-OBLE, OHADA. Harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, Bruyant, 2002, p. 120.

[16] CCJA avis n° 002/2016 rendu par la CCJA lors de la séance du 18 octobre 2016 sur demande d’avis n° 01/2016/AC du 18 juillet 2016 du Président du Conseil des ministres de l’OHADA.

[17] P. G. POUGOUÉ, « Les sociétés d’État à l’épreuve du droit OHADA », Juridis périodique n° 65, janvier-février-mars 2006, p. 100 ; S. BOUKARI, L’application des textes OHADA aux entreprises publiques : l’exemple de l’AUSCGIE et GIE, thèse, Maastricht, 2015, p. 3

[18] art. 16 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[19] V. la circulaire n° 4006/ PM du 17 septembre 2014 sur l’étude d’opportunité et d’impact préalable à la création d’une agence d’exécution ; également, P. A. TOURE, Légistique. Techniques de conception et de rédaction des lois et des actes administratifs. Une tradition de gouvernance normative, Dakar, l’Harmattan, n° 22.

[20] art. 3 et 4 de l’ancienne loi n° 90-07 du 26 juin 1990.

[21] art. 18, alinéa 2 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[22] art. 18, alinéa 3 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[23] Sur cet avis, V. P. A. TOURE, Recueil de textes relatifs au travail législatif et réglementaire du Gouvernement, Dakar, l’Harmattan, 2020, p. 146.

[24]  V. notamment, la loi n° 2014-13 du 28 février 2014 portant création de l’Office de Gestion des Forages ruraux (OFOR).

[25] V. dans le même sens l’art. 454-1 de l’AUSCGIE.

[26] art. 20 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[27] Dans le même sens, V. la circulaire n° 25 PM.CAB/EC6 du 25 octobre 1994 relative au rôle des administrateurs représentant l’État dans les conseils d’administration.

[28] En ce sens, V. la circulaire n° 13 PR/ME/MSAP/SGP/CF 3 du 24 juin 1994 relative à la tenue des pré-conseils dans le secteur parapublic.

[29]  art.  48 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[30] V. le décret n° 94-862 du 22 août 1994 portant organisation du Comité consultatif du Secteur parapublic.

[31] V. art. 47 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

[32]  V. art.  16 de la loi d’orientation n° 2009-20 du 04 mai 2009 sur les agences d’exécution.

[33] V. art. 59 de la loi d’orientation n° 2022-08 du 19 avril 2022.

5 Commentaires

  1. Serigne Fall

    Félicitations Monsieur le Secrétaire général pour la pertinence de l analyse

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  2. mareme Ndiaye Fall

    félicitation grand juriste très pertinente analyse bonne continuation

    Réponse
  3. Amedy

    Très bonne analyse. Merci de votre apport inestimable aux praticiens.

    Réponse
  4. Thione Dieng

    Excellente analyse vraiment
    Félicitations son éminence

    Réponse

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En attendant sa publication au Journal officiel (en principe ce samedi), le PDS et le Front démocratique pour une élection inclusive (FDPEI) comptent attaquer devant la Chambre administrative de la Cour suprême, le décret portant convocation du corps électoral pour...

Le pouvoir prétorien de régulation du conseil constitutionnel sénégalais : à propos de la décision n°60/E/2024 du 5 mars 2024. Par Madame Ndèye Seynabou Diop Ndione Diagne

En démocratie, la transmission du pouvoir est facilitée par le respect de la règle selon laquelle la situation du président en fin de mandat lui permet de préparer sa succession. Autrement dit, le Président de la République est tenu, en sa qualité de « gardien de la...