Pour un accès universel à l’état civil. Par M. Marcel Mbaye THIAW

A la suite de la réunion interministérielle du 18 mars 2025 sur l’état civil, des contributions ont été publiées dans la presse nationale. Le Premier Ministre a pris treize (13) mesures de remédiation. En vue de permettre une réussite desdites mesures, les suggestions ci-dessous doivent être explorées dans le cadre de la mise en œuvre. Elles seront de deux ordres avec des mesures dans les territoires et les communes (I) et l’implication de certains acteurs territoriaux pour l’accès universel à l’état civil (II).

  1. Mesures en direction des communes

Dans cette partie il s’agira d’évoquer la déconcentration de la création des centres secondaires d’état civil (A) et de l’usage des pôles territoires pour l’accéder universel à l’état civil (B)

  1.  La déconcentration de la création des centres secondaires d’état civil et leur installation dans les gros villages et zones les plus reculées

La création du centre secondaire d’état civil relève de la compétence du Ministre en charge des collectivités territoriales sur proposition du Maire de la commune au regard de l’alinéa 5 de l’article 108 du Code général des Collectivités territoriales (CGCT). Les personnes chargées d’y exercer les fonctions d’officier d’état civil sont nommées par le Maire après avis conforme du représentant de l’Etat (cf. alinéa 6 article 108 du CGCT). En examinant ces deux alinéas, la compétence de la création de centre secondaire d’état civil pouvait être confiée au représentant de l’Etat dont l’avis conforme permet la nomination de l’officier d’état civil. Le Ministère en charge des Collectivités territoriales pourrait définir une cartographie des gros villages et des zones éligibles en s’appuyant sur les données démographiques de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD).  Cela permettrait de multiplier les centres secondaires d’état civil et de rapprocher davantage ce service public des administrés.

B. La mise en œuvre de l’approche pôle territoire pour réaliser l’accès universel à l’état civil dans seize (16) ans

Les nouvelles autorités ont pris l’option de diviser le pays en huit (8) pôles territoires et de bâtir à l’horizon 2050 « un Sénégal souverain, juste et prospère ». L’état civil étant un service public dont la maitrise correcte semble constituer un impératif pour bâtir le Sénégal de

l’« agenda national de transformation ». En effet, l’état civil permet aux personnes physiques d’être identifiées, c’est à dire d’avoir une preuve officielle des principaux éléments constitutifs de ce qu’on appelle leur « état ». L’article 29 du Code de la famille dispose : « l’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes d’état civil ». Une personne qui ne peut pas prouver son état par un acte d’état civil est censée ne pas exister. Pour faire une bonne planification du développement projeté, l’accès universel semble donc nécessaire. C’est pourquoi, à l’image de l’introduction progressive de la réforme de 1972 en milieu rural, l’option de l’accès universel à l’état civil dans chaque pôle territoire devrait être atteint au bout de deux (02) ans. Les moyens adéquats seraient mobilisés pour cela. Un dispositif de suivi évaluation accompagnerait cette mise en œuvre pour atteindre l’accès universel à l’état civil dans seize (16) ans.  

II- Envisager l’implication de certains acteurs territoriaux

Pour faciliter l’accès universel à l’état civil, un certain nombre d’acteurs territoriaux pourraient être envisagés.  Dans ce lot, les anciennes autorités administratives, les notabilités religieuses et les relais communautaires vivant les territoires pourraient être mis à contribution. La mobilisation et l’engagement d’anciennes autorités administratives sera abordée (A) avant de terminer par l’élargissement du statut d’auxiliaire de l’état civil (B).

  1. Implication des anciens sous-préfets d’arrondissement

En effet, en termes d’autorités administratives, les sous-préfets ont eu à être de 1996 à 2014 officier d’état civil dans les arrondissements constitués de communautés rurales (cf. article 28 du décret n°72-636 du 29 mai 1972 relatif aux attributions des chefs de circonscription administrative et des chefs de village, modifié par le décret n°96-228 du 22 mars 1996). Ces anciennes autorités administratives pourraient être mises à contribution pour des sessions de formation et de sensibilisation sur l’état civil. Elles sont utilisées par la Direction générale des Elections (DGE) pour former les formateurs dans le cadre de toutes les élections organisées au Sénégal ces dernières années. Un recensement de ces seniors permettrait de les localiser dans les huit (08) pôles territoires en vue de leur mobilisation pour une cause citoyenne.

B. Elargissement du statut d’auxiliaire de l’état civil à certains acteurs territoriaux 

S’agissant des autorités religieuses et des relais communautaires, une modification de certaines dispositions du Code de la Famille pourrait être envisagée pour leur donner le statut d’auxiliaire de l’état civil à l’image des chefs de village et de délégués de quartier. Pour rappel, ces relais tiennent des cahiers de village de l’état civil ou cahiers du délégué de quartier de l’état civil. L’article 33 du Code de la Famille dispose : « s’il n’est point justifié de naissance et de décès survenus dans leur circonscription dans le délai d’un mois, les chefs de village ou de quartier seront tenus de faire dans les quinze jours suivants à l’officier d’état civil les déclarations ainsi omises sous peines d’une amende de simple police de 2000 à 5000 mille francs ». Le rôle joué par les chefs religieux musulmans et chrétiens (Imams, Curés de Paroisse, Pasteurs et Catéchistes) dans l’enregistrement des informations au moment des baptêmes des nouveaux nés et des décès fait que le statut d’auxiliaire de l’état civil puisse leur être accordé. Il en est de même des marraines de quartier ou de village (« bajënu gox ») qui abattent un rôle fondamental pour le couple mère-enfant et dans la scolarisation des enfants. Les responsables des associations sportives et culturelles (ASC) pourraient aussi bénéficier de ce statut en vue de l’atteinte de l’accès universel à l’état civil dans les territoires.

Pour inciter à agir, une prime de motivation pourrait être octroyée aux communes qui se seraient distinguées dans la mise en œuvre de l’accès universel à l’état civil. Des distinctions dans les ordres nationaux pourraient aussi être accordées aux meilleurs acteurs territoriaux qui se seraient engagés par leur pourcentage élevé d’enrôlement d’informations vers l’officier d’état civil du centre principal ou secondaire d’état civil.

Par M. Marcel Mbaye THIAW

Secrétaire d’Administration,

Ancien Sous-Préfet, Directeur de « Maad Services »

mbayemarcel@yahoo.fr /Bambey.

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