La consécration de la concession d’aménagement dans le nouveau dispositif des Partenariats Public- Privé (PPP) de l’UEMOA
Dr Papa Makha DIAO
Le modèle de partenariat public- privé (PPP) peut-il contribuer à promouvoir le logement et le développement urbain durables en Afrique de l’Ouest ? En tout cas, l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) vient de nous donner une parfaite illustration en consacrant ce que l’on va appeler désormais la concession d’aménagement à travers sa directive N° 01/2022/CM/UEMOA/ portant cadre juridique et institutionnel des Partenariats Public-Privé, adoptée le 30 septembre 2022 à Dakar.
Il est vrai que le Sénégal s’est doté d’un nouveau cadre juridique relatif aux Partenariats Public-Privé avec la loi n° 2021‐23 du 02 mars 2021 relative aux contrats de Partenariat Public‐Privé (JO 2021‐7407). Mais la notion de concession d’aménagement est absente dans le dispositif sénégalais. Le seul cas où il a été fait référence à l’aménagement est relatif à la saisine du Ministère chargé de l’Aménagement du territoire. En effet, l’Unité́ nationale d’Appui aux Partenariats public‐privé (UNAPPP) est tenue de saisir le ministère en charge de l’Aménagement des Territoires pour s’assurer de la conformité́ du projet au Plan national d’Aménagement et de Développement territorial.
En son article premier relatif à la définition des termes techniques, la Directive donne un sens à la notion de Partenariat Public-Privé. Il s’agit de contrat écrit conclu à titre onéreux pour une durée déterminée entre une autorité contractante et un opérateur économique, qui est, selon son objet, les modalités de rémunération du titulaire et les risques transférés, qualifié de Partenariat Public-Privé à paiement public ou de Partenariat Public-Privé à paiement sur les usagers.
Contrairement à la loi sénégalaise sur la notion de Partenariat Public-Privé à paiement sur les usagers, la nouvelle Directive de l’UEMOA prévoit au sein de ce type de contrat, la concession d’aménagement en plus de celles de service et de travaux.
Aux termes du point 5.1 de l’article premier de la Directive, la concession d’aménagement est la concession par laquelle une autorité contractante confie à un opérateur économique une mission globale portant sur : a) l’aménagement d’une zone à caractère urbain, industriel ou agricole ; b) l’exploitation de la zone, telle que la fourniture de services, la gestion des équipements et des ouvrages ou la vente ou la location des biens immobiliers situés à l’intérieur de la zone ou l’octroi de conventions d’occupation domaniale.
La Directive est allée plus loin en dégageant une nouvelle conception de l’« aménagement ». Pour elle, il faut entendre par « aménagement », les missions confiées au titulaire telles que l’acquisition de biens, la réalisation d’études de conception, la réalisation de travaux, d’ouvrages ou d’équipements, qui ont pour objet tout ou partie des finalités suivantes :
- de mettre en service un projet urbain, une politique locale de l’habitat ;
- d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques ;
- de favoriser le développement des loisirs et du tourisme ;
- de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur ;
- de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux ;
- de permettre le renouvellement urbain ;
- de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine ou non bâti et les espaces naturels.
Au regard de ce qui précède, le contrat de partenariat apparaît alors particulièrement adapté pour la réalisation de l’aménagement autour d’un équipement public structurant, géré par le partenaire privé, mais également, peut-être, dans le cadre d’opérations sur le tissu urbain existant.
Ainsi, la directive donne un aperçu de la façon dont le modèle de Partenariat Public-Privé (PPP) peut contribuer à promouvoir le logement et le développement urbain durables dans les États d’Afrique de l’Ouest à tous les niveaux de développement économique.
Pourtant, l’État du Sénégal a toujours associé le secteur privé ou les partenaires privés dans le développement urbain et la production de logements surtout sociaux. Déjà en 2016, une loi d’orientation sur l’habitat social avait été adoptée pour proposer des mécanismes d’accompagnement et d’incitation d’une part, pour accélérer la production de logements et d’autre part, réduire le coût de sortie des logements sociaux. Il a même été créé́ un fonds pour l’habitat social ayant pour objet de garantir les prêts destinés à l’acquisition d’un logement social et de bonifier leurs taux d’intérêt.
En 2019, en rapport avec le programme 100 000 logements, il a été mis en place une société anonyme à participation publique majoritaire, la SAFRU SA dont la mission est d’assurer l’aménagement des sites devant abriter les programmes immobiliers de l’État et de contribuer aux opérations de rénovation et de restructuration. Cette société devrait faciliter aux privés voulant participer à la réalisation du programme 100 000 logements l’acquisition de foncier aménagé.
Pour dire que travailler avec les privés a toujours été une volonté exprimée par les pouvoirs publics compte tenu de la rareté des ressources financières. Seulement, il manquait le cadre juridique encadrant ces partenariats.
Même si la nouvelle loi sénégalaise sur les PPP prévoit la possibilité de faire des partenariats public-privé en matière de développement urbain et de production de logement, il demeure que l’intégration de la concession d’aménagement dans le dispositif des PPP doit être une réalité, car comme l’a si bien rappelé Joan Clos, Secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies, Directeur exécutif d’ONU-Habitat « l’urbanisation est l’une des forces irréversibles les plus puissantes au monde ».
Aujourd’hui, les statistiques illustrent que plus de la moitié de la population mondiale vivent dans des centres urbains, dans de
nombreux cas, ce sont les administrations locales qui seront les plus sollicitées pour adopter de nouveaux modèles de financement
en partenariat et mettre en œuvre des stratégies d’urbanisme prudentes. Cependant, il sera
sans doute difficile pour beaucoup de localités d’assumer cette nouvelle fonction car elles manquent des compétences de base en matière
de négociation, de financement et de passation des marchés, entre autres, qui sont nécessaires pour gérer des projets urbains très complexes,
tels que les PPP.
En somme, la Directive n’a fait remonter à la surface que les grandes idées et lignes directrices sur la jonction entre développement urbain et Partenariat Public-Privé. Il appartiendra alors aux pouvoirs publics de développer les ressources et compétences pour pouvoir décrire en détail les projets de logement et de développement urbain devant être réalisés en rapport avec les partenaires privés.
Je vous remercie pour cet article intéressant qui renseigne sur ce mode de concession
Merci beaucoup pour cette importante contribution