L’agrégation du CAMES, la misère chronique du droit public

Le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) compte, parmi ses programmes, le Concours d’agrégation des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion mis en œuvre depuis 1983.

Qu’est-ce qui justifie le prestige de l’agrégation en droit public ?

Le concours d’agrégation est chevillé autour de quatre objectifs structurants, à savoir : i) recruter des personnels de l’Enseignement supérieur en garantissant le niveau international des enseignants ; ii) adapter le mode de recrutement de l’enseignement supérieur aux réalités africaines ; iii) évaluer les aptitudes du candidat aux fonctions d’enseignant du supérieur ; iv) favoriser la promotion de l’enseignant.

La section « Droit Public » comporte trois épreuves successives : une 1re épreuve : Discussion sur les travaux durée 1 heure, dont 15 min de présentation par le candidat, suivie d’une proclamation de la sous-admissibilité ; une 2e épreuve : Commentaire de texte ou de documents (durée 30 min) avec préparation en loge de 8 heures, suivie cette fois-ci d’une proclamation de l’admissibilité ; enfin une 3e épreuve : Leçon de 30 min avec préparation en loge de 8 h, avec enfin la proclamation de l’admission.

C’est à l’issue de ce parcours épreuves que les agrégatifs, venant de différents pays africains membres, principalement de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale francophone ainsi que de Madagascar, sont auréolés de l’appellation « agrégé des facultés ».

Le titre d’ « agrégé » est tellement prestigieux au point que les Professeurs, même devenus titulaires au prix d’efforts incomparables, en font une onction de crédibilité scientifique attachée à perpétuelle demeure à leurs signatures.

Le prestige est amplifié par la considération attachée au succès du concours d’agrégation en droit public : accession au statut de professeur de rang magistral dans tous les pays, accueil en liesse et réception officielle dans certains d’autres. Plus qu’ailleurs, l’agrégé sénégalais revendique sa notariée médiatique et impose son autorité scientifique. Sur tous les sujets d’obédience, son sceau de professeur agrégé fait foi et suffisant comme formule exécutoire à l’encontre des hommes politiques, notamment les gouvernants. La tentation est alors  grande d’encadrer la prétention entre des bornes infinies !

Que se passe-t-il en droit public à l’Université Cheikh Anta Diop ?

Au compteur des résultats de la section « Droit public » du concours d’agrégation, session 2023, il est affiché : 00 (zéro) agrégé. Tel est le triste éclat de la performance des candidats.  Rien de surprenant sous les cieux du Droit public à l’Université Cheikh Anta Diop : bien au contraire, il s’est montré fidèle à sa trajectoire d’échec chronique, pourtant accoutumé à la gloire, et l’entrée majestueuse de l’Université virtuelle du Sénégal sans l’univers de l’agrégation en droit public (baptisée Université numérique Cheikh Hamidou Kane) dont le candidat est le Major de la session  2023.

En effet, un regard d’une vingtaine d’années – 2001 à 2023 – ne révèle aucun état de santé momentanément fébrile, mais plutôt un bulletin de santé chronique sans discontinu. Comment l’expliquer ? De toute évidence, « mystère et boule de gomme ». Les Enseignants-chercheurs de l’Université (sociologue, économistes, gestionnaires) formuleront des hypothèses de recherches pour mieux dépister et soulager le traumatisme

La présente notice statistique entend ainsi exposer, dans la plus parfaite éloquence des chiffres, les résultats ravageurs en droit public au CAMES, en particulier à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Année du concours Nombre d’admis Leçon de spécialité 
2001 00 Néant
2003 00 Néant
2005 01 Droit international
2007 02 Droit international (Major)     Droit constitutionnel
2009 00 Néant
2011 01 Droit international
2013 00 Néant
2015 01 Finances publiques
2017 00 Néant
2019 04 Droit international (major)

Droit administratif

Droit public économique

Droit constitutionnel

2021 00 Néant
2023 00 Néant

Quels chiffres cachés :

– de 2001 à 2023, seulement trois (04) admis de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ont subi une fois le concours ; tous les autres agrégés l’on réussi à la peine de 2 à 3 concours ;

– de 2003 à 2023, un (01) seul Professeur de l’Université Cheikhh Anta Diop est nommé  Président du jury de la Section de  « Droit public », en l’occurrence le Professeur Ismaïla Madior FALL, en 2021.

En somme, ces résultats témoignent des difficultés qu’éprouvent les étudiants pour bénéficier d’un encadrement en thèse de doctorat.

Le CERACLE

3 Commentaires

  1. Papa Ndické SAMB

    le mal est beaucoup plus profond, il suffit d’ajouter dans la liste les autres universités pour s’en rendre compte.

    Réponse
  2. Nalla Ndiaye

    Eu égard , entre autres , à ces considérations , n’existe t’il pas un problème de niveau ?
    En outre , quel est l’âge à partir duquel un universitaire ne peut plus se présenter au Cames à ce niveau ?

    Réponse
  3. Abdou Rahmane THIAM

    Très pertinente analyse de la situation d’une discipline phare des sciences sociales. Je pense qu’il faut revoir le cycle de préparation des candidats au concours d’agrégation, autrement dit démarrer les sessions de préparation bien avant l’année du concours.

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) face aux défis de gouvernance du Sénégal : quel repositionnement stratégique ?

Pour comprendre l'importance de l'ITIE dans l'architecture institutionnelle et de gouvernance du pays, il faut jeter un regard rétrospectif sur la situation qui a prévalu avant l’adhésion du pays à cette initiative en 2013 : absence de données fiables sur la...

Journée d’hommage en l’honneur du Professeur Meissa Diakhaté

Le Cercle des amis et anciens étudiants du Professeur MEISSA DIAKHATÉ organise, à son honneur, une journée d'hommage le dimanche 26 janvier 2025 à l'auditorium de la ville de Thiès, à partir de 10 heures…

Le Premier Ministre et l’exploit constitutionnel. Par Pr Meïssa DIAKHATE

Nous le connaissons en fin stratège politique, mais le Premier Ministre Ousmane SONKO entre définitivement dans nos Facultés de droit, en décidant d’engager la responsabilité du Gouvernement sur un « projet de loi de finances ». Bien entendu, c’est un...

Sixième numéro de la Revue Africaine de Droit des Contrats Publics (RADCP) 

Veuillez cliquer sur le lien ci-dessous pour télécharger le sixième numéro de la Revue Africaine de Droit des Contrats Publics (RADCP) : RADCP N° 6 : juillet - décembre_2024

Constatation de la démission de Barthélémy DIAZ de son mandat de conseiller municipal de la ville de Dakar: parlons du droit simple. Par Khadim NDIAYE

L'acte de constatation de la démission de Monsieur DIAZ de son mandat de conseiller municipal de la ville de Dakar a suscité beaucoup de réactions.Pour certains, le Préfet n'a pas fondé son acte dans la légalité ,car estimant que les dispositions des articles L. 29 et...

Le Président Mamadou DIA, une histoire constitutionnelle jamais racontée … Par Pr Meïssa DIAKHATE

« Le 14 décembre 1962, trente-neuf (39) députés déposent une motion de censure contre le gouvernement. Toutefois, le 17 décembre lors du vote de la motion, le Président DIA fait évacuer l’Assemblée nationale par la garde républicaine et la gendarmerie ; 4...

Le compromis en finances publiques : une question de méthodes ou une méthode en questions ? Par Omar SADIAKHOU

Une lecture de la situation des finances publiques dans divers Etats laisse transparaitre une certaine idée de délabrement systémique. Un constat de crises multiformes et polymorphes. Assurément, il se dégage comme un parfum de consensus entre politiques pour...